La fraîcheur d'un ananas qu'on vient de couper, la caresse bienvenue d'une brise en plein été: ainsi peut-on résumer l'effet qu'exerce sur son lecteur le roman "Les
particules de mon mari sont authentiques", signé Véronique Beucler et paru dans la grande déferlante des romans de la rentrée littéraire d'automne 2008. A ce régime, l'éditeur aurait mieux fait
de le sortir avant les vacances.
C'est en effet à une lecture ensoleillée que l'auteur convie son lectorat. Le cadre? Un pays d'Amérique latine, bien ensoleillé, un 14 mai. L'action est partagée entre une petite ville, une
ambassade de France, et un foyer pour femmes tenu par un prêtre catcheur. Autant d'univers peints de manières fort différentes, avec un poids particulier accordé à l'ambassade, puisque c'est là
qu'on peut le mieux faire grincer les dents.
Car l'ambassade est peuplée d'un charmant petit monde haut en couleur, congénitalement incapable de s'adapter au pays où il vit, et ramenant tout à ses références culturelles métropolitaines
- le drame de certains expatriés est ainsi représenté. L'auteur dépeint fort bien, quoique de manière légère, les types qui hantent la mission. L'ambassadeur adopte par exemple la figure d'un
autocrate très "vieille France" aux manies particulières, vaguement radin, incapable de comprendre qu'il est odieux aux yeux de tout le monde; Suzanne, proche collaboratrice, rappelle à bien
des égards une certaine Berthe Bérurier, l'intelligence en plus. Bien croqués, tous ces personnages auraient cependant mérité que l'auteur s'y intéresse davantage, les creuse un peu plus, aille
au-delà de la caricature. L'attaché de sécurité intérieure Vogel, que sa femme a quitté, est un peu délaissé... par l'auteur également.
C'est au personnage de Clara que l'auteur s'attache avant tout. Clara, qui a envoyé à son amie un mail pas piqué de vers, prenant pour cible l'ambassadeur. Seul problème: en raison d'une
erreur de manipulation, le courriel part chez ledit ambassadeur... C'est la porte ouverte à une journée présentée comme un peu folle. Voyons cependant ce qui s'y passe: ses amis essaient de
récupérer le courriel, elle se rend à l'extérieur de la ville pour y rencontrer quelques personnes aux pouvoirs magiques, elle se fait également voler ses affaires sans qu'on sache trop
pourquoi, et finit par conclure avec El Lindo, restaurateur de son état. Plein de choses, me direz-vous - beaucoup pour une journée! Beaucoup, aussi, pour une jeune femme qui joue son poste sur
un courriel... et ne semble pas forcément se faire beaucoup de souci à ce propos.
J'ai évoqué les pouvoirs magiques... ceux-ci sont présents dans le récit, de manière si légère et subtile qu'on se demande s'ils sont réels ou supposés (et l'auteur excelle dans la suggestion,
qu'il s'agisse de celle-ci ou d'autres). Ainsi, c'est "la rue" qui protège Clara contre le mauvais sort, et en particulier contre les vols. C'est aussi la rue qui lui donnera la force de claquer
la porte de l'ambassade qui l'emploie, et de renoncer à sa carrière dans ce secteur. Et c'est loin du centre de la ville, à la suite d'un voyage en bus, qu'elle sera libérée d'un sort un peu
particulier - le poids de son passé d'orpheline, peut-être? Et qui est ce mystérieux garçon qui semble vivre de rien et pointe son nez de temps à autre dans le récit, à la manière d'une sainte
apparition?
Voilà... un roman léger et divertissant, qui fait des clins d'oeil appuyés aux écrivains à succès (vous croiserez ici le fantôme d'Aurélie La Tombe, entre autres...), un peu fouillis à force
d'amorces de péripéties pas forcément abouties, mais finalement fort agréable à lire: Véronique Beucler a une bonne plume, et sa prose est fluide. Bref, avec ses qualités et ses défauts, la
recette prend quand même. Merci!
Véronique Beucler, Les particules de mon mari sont authentiques, Paris, Albin Michel, 2008.