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16 septembre 2008 2 16 /09 /septembre /2008 21:37

95%

Berne, Time Tower par geragIl paraît que 95% des Bernois sont satisfaits de vivre dans leur ville, et que cela ne date pas d'hier... Tout d'abord, la source de l'information: je l'ai glanée pas plus tard que ce soir, en attendant le train qui doit me ramener de Berne à Fribourg, dans le hall de la gare de la capitale helvétique, où des écrans diffusent de telles nouvelles. Celle-ci m'a laissé un chouïa perplexe.

J'ai en effet vécu environ quatre ans à Berne. Et après deux ans passés à Fribourg, mon constat est toujours le même: Berne, c'est une chouette ville... mais si mal habitée! Pas de racisme anti-suisse alémanique là-dedans: simplement, je ne suis pas parvenu à me créer, dans cette cité, un réseau d'amitiés digne de ce nom, alors que j'y étais parvenu à Berlin, ainsi qu'à Fribourg, naturellement, au temps de mes études - cela, sans parler de Bulle, où j'ai fait mes écoles. Le dialecte alémanique serait-il une paroi de verre placée devant les allophones? Je le crois sincèrement, et cela vaut pour toute la Suisse alémanique (celle qui n'a pas le Léman, donc a-lémanique, pour reprendre l'image d'Yves Laplace).

Autant dire que si l'on m'avait sondé, je ferais partie des 5% de mécontents. De quoi? D'entendre parler le dialecte alémanique, la chose est dite. Mais aussi de payer plus cher certains produits et services simplement parce que "Berne, c'est la Kapitale!" et que les fonctionnaires, c'est bien connu, gagnent bien leur vie. De savoir que pour entrer dans une chorale qui a un tantinet d'ambition, il me faudra débourser une cotisation importante. De savoir qu'au bout de presque un lustre, je n'ai guère de réseau d'amis sur place. De noter avec tristesse que la ville est déjà trop grande pour que ses habitants puissent bénéficier d'une relation véritablement personnelle avec leurs autorités - je ne vois pas, par exemple, quelle tête peut bien avoir le maire de Berne, le "Stapi" (diminutif de "Stadtpräsident"), comme on le surnomme affectueusement.

Cela, sans oublier, naturellement, l'aspect "souris grise" qui colle à la capitale helvétique, repaire de centaines de fonctionnaires. Du temps où les fonctionnaires fédéraux étaient obligés d'y vivre, une culture francophone s'y était développée. Puis cette obligation est tombée, à la grande joie des fonctionnaires, mais du coup, la cité est retombée aux mains des Alémaniques. La librairie française a dû fermer ses portes faute de clients, et le théâtre francophone cherche en vain de nouveaux spectateurs, de préférence jeunes. Que serais-je allé y faire? Ai-je une mentalité de fonctionnaire, vraiment?

La Cathédrale de Fribourg III par usbdevice... je me trouve donc bien, mieux même, à Fribourg - cette ville peinte par Jacques Chessex dans l'un ou l'autre de ses romans. Le centre historique de Fribourg n'est certes pas inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO, mais il vaut également le détour, ne serait-ce que par son étendue (il s'agit, sauf erreur, du plus grand ensemble bâti cohérent de Suisse). Forte d'un peu moins de 40 000 habitants, Fribourg conserve des dimensions humaines - il m'arrive même de saluer, dans le train, l'ancien syndic, Dominique de Buman, désormais conseiller national - et de discuter avec lui. Et chanter dans une chorale d'exception n'y coûte rien, si ce n'est un investissement personnel qui paraîtra naturel à tout passionné. Moins de bistrots? Peut-être, mais tellement plus vivants! Certes, le Gothard n'est plus ce qu'il était; mais il reste le Cintra pour boire des verres, le Midi pour manger des fondues (c'est même mieux qu'avant!), la Cigogne pour un bon repas, et mille pizzerias abordables pour les soirs de nostalgie du sud. Cela, sans oublier la dimension culturelle qui, débarrassée en partie de son carcan institutionnel, s'épanouit librement face à un public d'intéressés. Chouette, non?

Alors, que valent les sondages sur la satisfaction d'habiter dans une ville? Tout relatif, à mon humble avis...

Berne: http://www.bern.ch
Fribourg: http://www.fribourg.ch
Pour une bonne chorale à Fribourg: http://www.xvi.ch

Photos: Flickr/usbdevice, photoriel

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commentaires

L
Etonnant comme une ville peut attirer - ou non ! Nous avons vécu presque 4 ans à Compiègne, qui est une ville superbe, vraiment très agréable à vivre bien que toute petite, mais avons eu un mal fou à nous faire des amis...<br /> Maintenant, c'est plus facile, nous sommes dans le Nord, banlieu de Lille et adorons tout - sauf le climat, cela s'entend !- alors que mis à part le centre de Lille, c'est plutôt moche par ici...
D
<br /> Pas évident à vivre, le changement d'endroit! Pour ne rien arranger, passer de Fribourg à Berne, c'est aussi changer de langue. Et le dialecte alémanique est assez rebutant pour les Romands, donc<br /> aussi pour moi.<br /> <br /> <br />
H
dis donc ça me donne envi d'aller en Suisse tout ça ...
D
<br /> Tout ça se visite très bien, et comme la Suisse est petite, on peut faire plusieurs villes en un séjour. Profite par ailleurs de la relative faiblesse du franc par rapport à l'euro, en ce moment.<br /> <br /> <br />
A
Quant à moi je pourrais vous parler de Mulhouse, ville tellement dépréciée par ses habitants ! Et pourtant elle est agréable, l'offre culturelle est importante, les associations diverses et variées très nombreuses... je devrais en faire un post sur mon blog tiens !
D
<br /> Ce serait avec plaisir! Pour moi, cette ville reste attachée au souvenir du musée de l'automobile des Frères Schlumpf, visité dans mon enfance.<br /> <br /> <br />
T
zut j'ai fait un article sur les belges, va falloir que j'en écrive un sur les suisses maintenant.
D
<br /> <br /> Chiche! Je me réjouis de le lire. D'autant plus s'il va plus loin que l'allusion que vous en avez faite dans un billet récent (que j'ai commenté) qui reprend le titre d'un texte de Pierre<br /> Desproges...<br /> <br /> <br /> <br />
T
Je crois que la composition de la population d'une ville entre les autochtones (ceux qui ne connaissent que cette ville) et l'apport extérieur détermine le taux d'attachement d'une population. J'ai habité trois ans à Reims où il y a très peu d'apport de population extérieure. J'ai ressenti la même chose que toi à Berne. Peu d'ouverture mais je suis sûre que la majorité des autochtones s'y sentait bien. Ici à Dijon, il y a beaucoup plus de population venant de l'extérieur et certains autochtones s'expatrient (pour le boulot). Il y a fort à parier que le taux de satisfaction sera moins grand même si cette population extérieure (comme moi) peut se sentir bien car la vie y est agréable, et les offres touristiques, sportives et culturelles importantes. (le climat est un peu hard l'hiver pour moi quand même). Les autochtones s'attachent plus à leur racines, leur famille et ne connaissent pas forcément d'autres lieux. La population extérieure jauge le climat, l'offre touristiques, culturelles, sportives et l'accueil.
D
<br /> ... avec en plus le mur que constitue la langue, ou plutôt le dialecte utilisé. Mais effectivement, s'intégrer dans un lieu qui n'est pas le sien n'a rien d'évident. Il est à noter aussi<br /> qu'autrefois, les fonctionnaires fédéraux étaient obligés d'habiter à Berne, ce qui avait créé une bonne communauté de Romands. Celle-ci a disparu avec l'obligation mentionnée: les Romands sont<br /> rentrés chez eux. Résultats: le théâtre en français peine à renouveler son public, et la Librairie française de Berne a fermé ses portes il y a deux ou trois ans.<br /> Et puis, Berne a un côté tellement provincial... c'est peut-être ce qui lui a valu d'être désignée capitale du pays, justement.<br /> <br /> <br />

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