... aurait-on envie de
dire, joueur, au terme de la lecture de "L'Annonce faite à Joseph", premier roman d'Ivan Sigg, auteur et artiste dont j'ai déjà eu l'occasion de parler. Cet ouvrage a paru en 1999, et a dû faire
rigoler dans pas mal de chaumières.
De quoi s'agit-il? L'auteur s'attache à retracer les quinze premières années, soit les années d'enfance, du petit Vladi, fils de Joseph (psy au tempérament sanguin voire stalinien qui
déborde sur son fils) et de Marie (instit), couple de communistes convaincus. Le récit s'étend donc principalement des années 1960 à 1975, avec un excursus en 1956 (il faut bien raconter comment
les parents se sont connus!) et en 2056 (il faut bien dire comment Vladi est mort).
Avant tout, saluons l'aspect confortable de la lecture: l'auteur a choisi de décliner son roman en "clichés" qui sont autant de brefs chapitres. Il propose ainsi au lecteur de feuilleter son
albume de famille, y compris les photos perdues. Et comme une photo est censée immortaliser un événement exceptionnel, le récit ne manque pas d'action et de hauts faits évoluant entre Rabelais et
le Cervantès du Don Quichotte. Cela, naturellement, avec quelques piques aux Allemands de l'Occupation, aux Suisses alémaniques (que l'auteur nomme "Suisses allemands"), aux communistes de France
et d'URSS, etc.
Ayant lu également "La Touffe Sublime", je n'ai pas pu m'empêcher de comparer... le propos de "L'Annonce" ne se prête pas, en tout cas pas toujours, à la truculence qui caractérise "La Touffe
sublime". Mais patience! Le lecteur sera servi. L'enfance du petit Vladi sera marquée par l'ingestion de vers blancs, par l'apprivoisement du territoire qui lui est imparti dans la "Voleveau"
familiale, par l'apprentissage traumatisant de la natation, et par quelques piliers que sont, notamment, Pif et son gadget et la science-fiction. Il y a quand même quelques pages mémorables,
à l'exemple de la mise du fenouil au vide-ordures.
En revanche, la prose de l'auteur ne saurait décevoir, et le jeu de mots le plus débridé et (parfois) le plus improbable vous attend à tous les coins de page. Vous aimez les calembours
à la chaîne? Vous serez servi. Les à-peu-près démentiels qui s'enchaînent? Il y a de quoi faire, de quoi se marrer même. Et de quoi se demander où l'auteur va chercher tout ça: à "Notre Père qui
êtes odieux", titre de chapitre, répond tout naturellement un autre chapitre dont le titre est "Notre Mère qui êtes osseuse". Parfois, il vaut la peine de relire deux fois une phrase ou l'autre
pour être sûr de n'avoir rien oublié... Tout cela donne à la moindre frasque de Vladi un côté épique et hénaurme, jouissif même, que n'auraient renié ni un Rabelais, ni un Albert Cohen. Et
je vous laisse découvrir quel sens l'auteur donne au mot "crevette"... avec tous les potentiels que cela recèle.
Etonnant au début, l'ouvrage finit donc, au bout de ses 206 pages (avec générique de fin et table d'orientation) par emporter l'adhésion hilare du lecteur... Bonne lecture, et bonne
rigolade!
Dessin: une planche de Pif le Chien par Cabrero Arnal. www.pif-collection.com