J'ai commencé ce matin la lecture du recueil de nouvelles "La véritable histoire du football", de Dominique Noguez, et, jusqu'à présent, je ne suis pas déçu par cette espèce de Jorge
Luis Borges français. Bien au contraire!
Ce n'est cependant pas de la nouvelle qui donne son titre au recueil que j'aimerais vous parler à présent, mais d'un autre texte, qui tient sur trois ou quatre pages fulgurantes. Ce texte
s'adresse à ce que certains désignent, non sans condescendance, du vocable anglais de "wannabe" - et s'intitule "Maxime Petitdoigt et la postérité". Car qui est ce fameux "Petitdoigt", dont la
prose "petitdigitale" serait appelée à subjuguer les générations futures? Il s'agit d'un auteur ambitionnant d'être publié, et ce, au dix-neuvième siècle.
Non dépourvu de talents scolaires, le personnage éponyme se découvre un intérêt pour s'adresser à la postérité. Résultat: il se lance dans l'écriture de bons livres, régulièrement rejetés par
ceux à qui il les adresse: un ouvrage sérieux à Alphonse Allais, un roman mérovingien alors que le naturalisme cartonne, etc. Bref, tous les véhicules susceptibles de conduire sa voix vers la
postérité refusent de remplir leur office pour lui. Ah, le bide!
Flaubertienne, la nouvelle, et aussi borgesienne? Je le dirai sans hésiter, pour deux raisons assez proches. En ce qui concerne Flaubert, Dominique Noguez le cite expressément, évoquant même
"L'Education sentimentale", première tentative, dans le domaine français, d'imbriquer un récit et des personnages fictifs (Moreau et sa clique) à l'Histoire telle que nous la connaissons. Or,
Maxime Petitdoigt (dont le prénom n'est pas sans évoquer un certain Du Camp, ami de Flaubert), constitue une pièce rapportée dans une histoire littéraire ébauchée mais cohérente. Borgesienne
aussi, dans le sens où l'auteur parvient, dans cette nouvelle comme dans d'autres, à manipuler le réel à la manière de M. C. Escher, le sourire en plus. A noter aussi que d'après l'auteur, les
écrivains du dix-neuvième siècle avaient un sens de l'ambition autrement plus développé que le nôtre, blasé par le "quart d'heure de gloire" qui nous est promis depuis Andy Warhol: s'adresser à
la postérité en se réclamant d'Horace, fichtre!
Et alors, cette postérité, justement? J'ai envie de dire que le résultat tient en une seule phrase, qui constitue la chute... mais ce serait dénaturer le récit. Je vous renvoie donc à cette
nouvelle, par ailleurs vite lue. Et si vous avez le temps, sautez également sur la suivante du recueil, "Appendice: passer à la postérité", qui expliquera, à la manière d'un Aloysius Chabossot,
comment faire pour devenir un écrivain célèbre... malgré tout.
Dominique Noguez, La véritable histoire du football, Paris, Gallimard, 2006.
Photo: Weshow.com