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9 mai 2008 5 09 /05 /mai /2008 21:01

Napoléon III, ça vous dit sûrement quelque chose. Le coup d'Etat de 1851, aussi. Mais qu'est-ce que toute cette affaire peut bien nous raconter, à nous, hommes et femmes du vingt et unième siècle, alors que d'autres avant lui, Zola en tête, ont peint cette époque avec brio? On est en droit de se poser la question lorsqu'on ouvre l'ouvrage "Coup d'Etat", signé de l'Académicien français Pierre Moinot. Mais qu'on se rassure: l'Immortel sait très bien répondre à cette question.

J'ai évoqué Zola tout à l'heure, et il est vrai que c'est à cet écrivain que l'on pense dès qu'on évoque le Second Empire. Pierre Moinot est cependant trop astucieux pour s'en faire l'épigone servile. Son petit roman commence donc à la manière d'un récit picaresque, riche en rebondissements et en personnages pittoresques: on y trouve un traître nommé Dagon, un médecin nommé Depierris, des bateleurs, une scène de foire, un maquignon, et des scènes qui n'auraient pas dépareillé "Gil Blas de Santillane". Et ça marche! Tout cela permet cependant d'introduire une notion de duplicité du réel, manifeste dans la scène de la vente d'un cheval... et de ce qui s'ensuit. Méhus, personnage principal et vétérinaire de son état, achète en effet une monture, et tout lui semble clair, y compris le fait que le maquignon lui demande s'il peut regarder sa montre. Or, c'est celle-ci qui le trahit... puisque son attachement à la République, fatal dans le contexte de l'époque, y est marqué. Un geste innocent peut ainsi devenir la pire des trahisons.

Cet aspect aventureux s'interrompt brutalement avec l'épisode où Méhus se retrouve pris dans un guet-apens et, blessé, est contraint de se cacher chez des personnes de confiance. Petit à petit, Méhus réfléchit sur lui-même, et relativise son penchant pour les idées en privilégiant celui des humains. De soigneur, il devient soigné, dans le monde physique comme au niveau des idées, puisque le personnage évolue - d'une manière présentée comme incertaine (p. 220). Cela se traduit par l'oaristys qu'il connaît avec Madeleine, une idylle finalement très chaste puisqu'elle ne pourra pas se terminer - Madeleine faisant dès lors figure d'idéal inaccessible, de péché d'hybris même.

Cela se voit également dans un certain retour aux fondamentaux, à l'exemple du bonheur de la pêche ou des nourritures simples. Une approche très moderne de l'essentiel de la vie, d'autant plus que ce roman vient peu après des oeuvres artistiques mettant en exergue de tels petits plaisirs, à l'exemple de "La première gorgée de bière" de Philippe Delerm, ou du "Fabuleux destin d'Amélie Poulain", film de Jean-Pierre Jeunet. On est bien loin des grandes destinées des Rougon-Macquart!

Alors, que retenir de ce roman dont la première partie se déroule à l'extérieur, de manière active, et la seconde à l'intérieur, de façon plus personnelle? L'auteur montre toute l'affaire à travers les yeux de Méhus, républicain convaincu, qui fait figure de résistant au régime impérial qui se met en place et qui aura la légitimité du plébiscite, c'est-à-dire celle que confère le plus grand nombre. Face à lui, le pouvoir du Prince-Président est certes présenté comme lointain, mais aussi comme hostile et, surtout, illégitime: l'acte de déchirer la Constitution est, pour l'auteur, une forme de... coup d'Etat; Pierre Moinot, du reste, lâche en page 114 le terme de "dictateur" - une personne dont le pouvoir exclusif ne repose sur aucune légitimité, pas même celle de Dieu (qui est celle de la monarchie).

On pourrait voir dans ces actes, dans cette trame, une métaphore de la Résistance pendant la Seconde guerre mondiale; mais de manière plus intemporelle, j'aimerais y lire plutôt la résistance de toujours contre les idées reçues, contre le "mainstream" idéologique qu'on gobe sans esprit critique. Rappelons enfin que tout cela est fondé sur des personnages réels. Pierre Moinot parvient ainsi, et c'est l'une des portes d'entrée de l'art dans ce qu'il a de plus essentiel, à donner un sens au réel.

Pierre Moinot, Coup d'Etat, Paris, Gallimard/Folio, 2007.






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