Franchement, quand
j'ai vu l'info, je n'y ai pas cru. J'ai suivi l'affaire, et j'ai pensé qu'elle se solderait par un rien du tout. Pourtant, c'est la chanson française qui s'invite au 10 du Quai de Conti. Tous les
pronostics sont donc vains pour un blogueur de province... de Suisse, même!
De quoi est-ce que je parle? De l'élection tenue cette après-midi à l'Académie Française. Quels étaient les candidats en présence? Les Immortels qui siégeaient en ce jour, au nombre de 25,
avaient le choix entre l'essayiste Jean-Pierre Lassalle, linguiste et professeur de littérature française à Marseille - a priori un homme compétent pour la grande mission de l'Académie Française:
rédiger un dictionnaire.
Face à lui, se trouvait Jean-Loup Dabadie, connu pour avoir écrit une quantité de chansons, et plein d'autres choses encore. Je pensais que face à ce choix, l'élection serait blanche:
le premier candidat est obscur, et le second hors normes. Or, c'est bel et bien Jean-Loup Dabadie qui a remporté le redoutable honneur de devenir Immortel - c'est-à-dire chargé d'oeuvrer à
l'immortalité de la langue française. Quatorze voix, contre deux à Lassallem, deux bulletins blancs et sept bulletins ornés d'une croix (refus en bloc de tous les candidats).
Curieux? A un certain point de vue, c'est une petite révolution qui s'est produite le 10 avril, puisqu'avec Jean-Loup Dabadie, c'est la chanson française, qui font leur entrée sous la Coupole.
L'homme est connu, notamment, pour avoir donné à Julien Clerc sa chanson "Ma préférence"; il a aussi écrit pour Juliette Greco ou pour Jacques Dutronc. Et puisqu'on parle de chanson française,
rappelons qu'auparavant, un de ses représentants, non des moindres pourtant, s'était présenté à une élection. Il s'agissait de Charles Trenet... recalé en 1983.
Le cinéma brille par son absence sous la coupole, à l'exception notable de René Clair. L'entrée de Jean-Loup Dabadie, scénariste (Claude Sautet, entre autres), au sein du cénacle du Quai
Conti comblera sans doute l'un de ses membres actuels, Dominique Fernandez, qui appelait de ses voeux, dans un article du "Magazine des Livres" publié en juillet/août 2007 sur l'Académie
française, une représentation de tous les domaines de l'art - y compris des cinéastes.
Un bémol? Ce n'est pas Jean-Loup Dabadie, 69 ans au moment de son élection, qui va abaisser massivement l'âge moyen de la confrérie. Mais les personnalités en place semblent n'en avoir cure,
considérant une élection comme un aboutissement, non comme un début. Tout le monde paraît accepter le risque d'une nouvelle série de décès, comme celle qui a frappé la vénérable institution
en 2007. Et d'un autre côté, sachant que les Immortels répugnent à se laisser contraindre ou forcer la main, gageons qu'ils ont fait un bon choix, réfléchi et pondéré, en élisant
un candidat un peu hors normes.
L'Académie française compte donc à présent 34 membres. Les élections vont se poursuivre à un rythme soutenu ce printemps: on recommencera la semaine prochaine déjà pour nommer un successeur
à M. René Rémond. Parmi les candidats, on compte Mgr Claude Dagens, évêque d'Angoulême, qui pourrait ainsi devenir "l'"ecclésiastique de la confrérie - un siège au moins, sur quarante, étant
traditionnellement réservé aux membres illustres du clergé, et Mgr Lustiger s'étant éteint l'été dernier. Affaire à suvire, donc...
Photo: l'habit vert. Site de l'Académie française.