Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
10 novembre 2016 4 10 /11 /novembre /2016 22:04

Siaudeau saignant

Lu par Aifelle, Encres vagabondes, Jérôme, Jess, Le petit mouton, Le tour du nombril, Oihana, Yv.

Le blog de l'auteur, le site de l'éditeur.

 

Le roman, pour le lecteur, c'est l'évasion parfois, la fuite de temps en temps. Pourquoi ne serait-ce pas pareil pour le personnage principal du livre lu? C'est ce qui se passe dans "Pas trop saignant", troisième roman de l'écrivain français Guillaume Siaudeau. Un ouvrage court, aux chapitres brefs qui vont à l'essentiel. Et l'essentiel, ici, c'est la poésie.

 

De la poésie? Cela n'a rien d'évident avec le sujet que l'auteur adopte. Il est question, en effet, de l'employé d'un abattoir qui décide, par un beau matin ("Le genre de jour qu'il faut escalader à la seule force des rêves, en fermant les paupières."), de partir son travail à bord d'un camion, avec dans son dos une demi-douzaine de vaches. Avant de se lancer en cavale, il ne manque pas de récupérer l'enfant dont il a la charge. Et les voilà partis à travers champs, au nez et à la barbe de policiers étrangement distraits...

 

Paradoxalement, la poésie est une évidence pour rendre un tel sujet intéressant. C'est que toute poésie est effraction, irruption de quelque chose de spécial dans une vie qui tourne trop rond, par la musique, par les images, par le rythme. Comme est effraction le fait de quitter son travail sans façons...

 

Concrètement, l'auteur fait montre d'un sens hors pair de l'image, qui apparaît pour ainsi dire dans chaque phrase: les métaphores et comparaisons sont partout. Il arrive aussi que l'auteur illustre son propos par des images concrètes qui naissent dans l'esprit de Joe, le personnage principal, par exemple lorsque se joue un match entre les "peut-être" et les "pas sûr", débat intérieur vu comme une partie de football.

 

Il arrive aussi que l'image devienne réalité, de façon poreuse: adoptant le point de vue du rapace pour illustrer par métaphore le parcours de ses personnages à vol d'oiseau, l'auteur choisit d'en montrer un. Et d'indiquer que la police court après l'équipée comme le rapace tournoie autour de sa proie. Et puis, de même que Joe pratique l'évasion, les chiffres de l'abattoir semblent vouloir s'évader aussi, si l'on n'y prend pas garde. Une résonance bien observée.

 

Placer un enfant dans une telle histoire, naturellement, c'est du pain bénit. L'auteur se crée ainsi de nombreuses occasions, judicieusement exploitées, d'offrir un regard neuf et frais sur le monde. En écho, Joe imagine avec beaucoup d'esprit des histoires qu'il raconte l'enfant; leurs conversations sont donc immanquablement de petits univers à elles toutes seules, pleins de complicité. Certains parents ont ce talent...

 

Enfin, il y a Joséphine, cette infirmière qui injecte des antidépresseurs à Joe. Ceux-ci sont multicolores, comme si une bonne injection pouvait redonner des couleurs à la vie. C'est une Arlésienne, Joséphine: Joe y pense tout le temps, mais elle ne joue aucun rôle réel dans le roman. Chaque pensée est donc - on y revient - une évasion.

 

Roman court, "Pas trop saignant" est une petite merveille offerte dans le sillage de la rentrée littéraire de l'automne 2016. Merveille de poésie, merveille d'évasion. Est-ce pareil? Peut-être, si l'évasion et la poésie sont l'occasion de découvrir un monde rêvé, plus vrai, plus simple et plus essentiel. Et plus souriant aussi, le temps d'une escapade.

 

Guillaume Siaudeau, Pas trop saignant, Paris, Alma, 2016.

Partager cet article
Repost0

commentaires

Y
Une petite merveille, nous partageons le même point de vue
D
C'est du bon, une bien belle découverte de cette rentrée littéraire.
D
Bonjour, <br /> ce livre par son titre et par les avis de ses différents lecteurs m'intrique beaucoup et m'attire également !<br /> Bises
D
De Guillaume Siaudeau, j'avais bien aimé "Tarte au pommes et fin du monde", mais là, il m'épate vraiment!

Présentation

  • : Le blog de Daniel Fattore
  • : Notes de lectures, notes de musique, notes sur l'air du temps qui passe. Bienvenue.
  • Contact

Les lectures maison

Pour commander mon recueil de nouvelles "Le Noeud de l'intrigue", cliquer sur la couverture ci-dessous:

partage photo gratuit

Pour commander mon mémoire de mastère en administration publique "Minorités linguistiques, où êtes-vous?", cliquer ici.

 

Recherche

 

 

"Parler avec exigence, c'est offrir à l'autre le meilleur de ce que peut un esprit."
Marc BONNANT.

 

 

"Nous devons être des indignés linguistiques!"
Abdou DIOUF.