Lu par Charybde 7, Tulisquoi.
L'argent? Un thème qui concerne tout le monde, assurément. Et aussi sur lequel plus d'un écrivain s'est penché. Isabelle Flaten signe avec "Chagrins d'argent" son troisième livre aux éditions du Réalgar, et ce court roman s'organise autour d'une poignée de personnages familiers, presque ordinaires, illustrant tous un rapport à l'argent. Le lecteur s'y reconnaîtra à coup sûr.
D'emblée, le malaise s'installe avec la mise en scène de cette femme qui se sent obligée de donner chaque jour une pièce de deux euros au mendiant qui se trouve sur son chemin vers la boulangerie. Malaise, culpabilité qui asservit celui qui donne: et l'auteure ne manque pas de rappeler que la culpabilité paraît plus forte encore si l'on omet de donner un jour, malgré l'impression de libération qui accompagne le fait de ne pas avoir cédé.
Les chapitres de "Chagrins d'argent" sont courts, mais denses aussi. On y sourit devant les excès liés à l'argent, même s'il y a quelque chose de grave dans leur description: un jeune homme amoureux dépensier, une femme qui se prostitue pour s'offrir le superflu, et la dame de la banque qui, indiscrète, a l'oeil sur les dépenses excessives des clients - un regard voyeur, alors que souvent, l'argent est une affaire discrète, voire secrète.
Les drames sont là, minuscules: la possibilité d'un divorce, les amitiés qui fluctuent au gré des revers de fortune, le mépris aussi. Et ils se succèdent, juxtaposés. Chaque chapitre est en effet centré sur un personnage. Ceux-ci reviennent, une ou deux fois, après s'être présentés, parfois d'un autre point de vue. Le regard de l'auteur circule ainsi de l'un à l'autre, à la manière d'une pièce de monnaie qui passe d'une main à l'autre.
Fluide, "Chagrins d'argent" est le roman d'une écrivaine au regard affûté, qui sait se montrer ironique et pose à chacun la question de cet argent qui est bon serviteur et mauvais maître. En définitive, la frontière entre l'argent qui asservit et l'argent qui sert est ténue...
Isabelle Flaten, Chagrins d'argent, Saint-Etienne, Le Réalgar, 2016.
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