On se souvient que l'écrivain, journaliste et critique d'art français Hugo Lacroix avait consacré dix-sept nouvelles à l'Italie. C'était en 2008, et j'en parlais ici. En 2010, il récidive en proposant à nouveau dix-sept nouvelles, portant cette fois sur ses compatriotes. Cela donne "Dix-sept histoires au pays de 89", un recueil tout à fait dans la lignée de son prédécesseur italien.
Le lecteur retrouve ainsi l'envie de l'auteur de se glisser dans la peau de ses personnages, qu'il fait parler à la première personne. Le style s'adapte, l'auteur recrée des voix, de manière fine et délicate. Et les personnages sont divers, comme la France sait l'être: une prostituée, un ami/amant, le fameux éleveur qui dit "Casse-toi, pauv' con" à un ancien président de la République (savoureux "Ce qu'il aurait dû répondre"), le client d'un dealer.
Ce n'est certes pas une constante absolue, mais force est de constater que de nombreuses nouvelles de ce recueil tournent autour de la vie sentimentale et sexuelle, semblant donner raison à l'idée que la France est le pays de l'amour. Cela, sous des formes diverses. La première nouvelle, "La chaumière d'une blonde", donne le ton en installant la relation trouble entre une blonde et un homme noir. Il arrive que cet aspect ait quelque chose d'apparemment gaulois, presque comique, par exemple lorsqu'une prostituée commande à un menuisier un lit pour le fourgon où elle exerce ("La putain et les menuisiers"). La discussion entre l'artisan qui connaît son métier et sa cliente, qui sait exactement ce qu'elle veut, montre également un certain goût de la confrontation verbale, qu'on prête volontiers aux Français.
Il est sans doute volontaire que l'auteur ait donné Paris pour cadre à un nombre important des nouvelles de ce recueil. L'auteur souligne ainsi le rayonnement de la capitale, sa place prépondérante dans l'imaginaire mondial; mais il indique aussi, ce faisant, le principe centralisateur qui prévaut en France. La Ville Lumière se fait capitale des arts et des élégances impitoyables dans "Les hasards de la vie", qui convoque un grand nombre d'artistes du passé et quelques vieilles dames disertes. Elle fait le lien avec la Corse et les milieux interlopes dans "Un patriote marginal", qui donne la parole à un Corse logé à Paris, qui aime acheter ses cigarettes à l'unité. Et hors de Paris, tout ce que l'on relie à l'imaginaire français est présent, peu ou prou: les fromages, les vins ("Complicité vinicole", où le vin s'associe aux sentiments, à la tendresse), etc.
Et 89? On imagine la Révolution française, bien sûr, mais celle-ci est curieusement absente du recueil, si ce n'est, peut-être, par l'image qui orne la couverture, signée Michel Quarez, et qui a servi d'affiche pour un 14 juillet à Aubervilliers. A moins qu'on ne considère chacun des textes de "Dix-sept histoires au pays de 89" comme autant de témoignages du mode de vie français, héritier d'une soif inextinguible de liberté, qu'elle soit de moeurs, de vie, d'expression, âprement défendue depuis la Révolution française.
Hugo Lacroix, Dix-sept histoires au pays de 89, Paris, La Différence, 2010.
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