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7 juillet 2016 4 07 /07 /juillet /2016 20:28

Pirzâd KakisLu par Christine Jeanney, Davveld, LittExpress, Martine Galati, Michel Goussu, Passion des livres, Sabeli.

 

"Le goût âpre des kakis" est un recueil de nouvelles signé Zoyâ Pirzâd. Venu tout droit d'Iran sous la forme d'une traduction intelligente de Christophe Balaÿ, il montre au lecteur un monde lointain, mais dont certains aspects surprennent par leur proximité avec le nôtre. Après tout, l'auteure dégage, en décrivant des personnages qui interagissent, s'approchent ou s'aiment, quelques pages belles et universelles sur les relations humaines. L'amour est là, oui, mais pas seulement. Et pas tout à fait comme on l'entend chez nous.

 

Cinq nouvelles, cinq univers: à chaque fois, l'auteure réinvente son art d'écrivain en fonction des circonstances, dans le souci constant d'avoir le rythme qu'elle veut, le ton qu'elle recherche. La nouvelle "Les Taches", en particulier, s'avère à la fois déroutante et géniale. Son caractère faussement léger naît de dialogues nombreux et bondissants, où les répliques paraissent décalées et donnent l'impression qu'on parle de tout à la fois. La question des taches émerge ainsi d'une sorte de magma où d'autres éléments sont présents, tels la vision d'un western à la télévision. Certaines scènes qui tachent ont presque des airs de publicité pour de la lessive. Ici, l'art de l'écrivaine consiste ici à faire d'un problème parfaitement quotidien un prétexte à montrer une plage de la vie en Iran.

 

Amours, relations hommes-femmes? Ces liens sont omniprésents dans "Le goût âpre des kakis", qui montre que dans la société décrite, le mariage est quelque chose d'essentiel, un moment clé de l'existence d'un homme et surtout d'une femme - pour des raisons différentes, on s'en doute: on trouve dans ce recueil des femmes jalouses d'une femme qui a marié un homme que tout le monde veut, des hommes dont le statut fait rêver à l'instar de l'écrivain de la nouvelle "Le Père Lachaise". Si elle décrit cette envie à plus d'une reprise, cependant, l'auteure sait aussi, mine de rien, montrer l'envers du décor, avec des personnages masculins un brin décevants pour celles qui vivent avec et s'en trouvent déstabilisées. L'éblouissement du mariage ne résiste pas toujours à la grisalle des jours...

 

De ce point de vue, "L'Appartement" est exemplaire, montrant un jeune homme parti étudier aux Etats-Unis alors qu'il est fiancé: le séjour loin du pays le transforme. Du coup, est-ce vraiment cet homme que sa fiancée veut avoir comme époux? L'Amérique est aussi un lieu de rêve ambigu dans "L'Harmonica", où tout tourne autour d'un restaurant: les spécialités culinaires iraniennes peuvent-elles avoir du succès chez l'Oncle Sam? D'une manière générale, en somme, le pays étranger est volontiers montré comme un lieu de rêve, un rêve qui n'est pas forcément exempt de nuages, à l'instar du Paris de la nouvelle "Le Père Lachaise".

 

Alors certes, on sourit à certaines péripéties, on observe des gens vivre, et l'auteure excelle dans la peinture des interactions humaines; ses dialogues sonnent juste, le rythme des récits est idéal. Mais même si l'auteure choisit de décrire sans juger, le sourire n'est jamais exempt d'amertume, dès lors qu'il est question de cultures étrangères, de traditions locales pesantes et d'une vie où il faut composer et se débrouiller, parfois avec fort peu. Le parfum de ces nouvelles est ainsi celui des kakis pas tout à fait mûrs - un parfum qui vient de la dernière nouvelle, celle qui donne son nom au recueil et l'éclaire tout entier.

 

Zoyâ Pirzâd, Le goût âpre des kakis, Paris, Zulma, 2009, traduction de Christophe Balaÿ.

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