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6 juillet 2016 3 06 /07 /juillet /2016 19:27

Bressant BlancEn intitulant son recueil de nouvelles "Le fardeau de l'homme blanc", paru aux Editions de l'Aube, l'écrivain et haut fonctionnaire français Marc Bressant assume le double sens de ce titre emprunté à Rudyard Kipling. Il sera à la fois question de la charge civilisatrice que s'assignèrent les nations européennes, et de sa responsabilité supposée. Mais aussi du poids que l'homme blanc a fait peser, par ses errements et ses erreurs de colon sûr de lui, sur des civilisations et ethnies qui ne demandaient rien à personne.

 

Le lecteur du recueil "Le fardeau de l'homme blanc" aura le bonheur de voyager dans le temps et dans l'espace. Le temps? Les nouvelles du recueil trouvent leur cadre temporel dans des époques révolues - plus précisément celles où l'Européen sillonnait encore le monde, persuadé de sa mission messianique et civilisatrice. Et côté espace, il sera question de lieux presque familiers comme l'Afrique ou le Caucase, comme d'endroits si méconnus qu'on se demande si l'auteur ne les a pas inventés. De même que certains personnages, présentés comme historiques: qu'en est-il vraiment? Mais qu'on ne s'inquiète pas: si certaines nouvelles ont le parfum suranné des vieux récits de guerre, certains, ne serait-ce que par leur titre, trouvent un écho dans l'histoire plus récente, à l'instar de "La cuvette infernale". Celle de Diên Biên Phu, bien sûr, vue de façon inattendue...

 

Chaque nouvelle du recueil relate un choc entre civilisations. Cela, de manière parfois inattendue, violente ou tranquille. L'auteur annonce d'emblée la couleur en mettant en scène, dans la première nouvelle du livre, "Jusqu'à l'os", un militaire russe volontairement perdu dans le Caucase. L'écriture s'avère ici très classique, sobre et neutre, laissant voir la folie de tuer, bien installée chez l'un de ses personnages. Folie compréhensible: en tant que militaire, tuer l'ennemi jusqu'au dernier, n'est-ce pas ce qu'on lui demande?

 

Au fil des nouvelles, le lecteur a l'impression que l'auteur se lâche progressivement, en crescendo, laisse libre cours à une vision distancée propice à l'ironie, en particulier face à la religion - qui, on le sait, a accompagné la démarche coloniale. L'auteur soulève avec une ironie souriante l'homosexualité mal venue d'un missionnaire dans "Jésus et la fois de trop" (foi?), qui relate aussi l'apparition un brin iconoclaste, impossible à accepter en des temps où le colon blanc se sent supérieur, d'un Christ noir. Quant à la nouvelle "Les Dieux avec nous", elle dénonce avec le sourire la casuistique d'un pasteur qui justifie ses incartades par les Saintes écritures. Bel exemple de Tartufe protestant!

 

Et c'est dans la dernière nouvelle, "Patte d'éléphant", que le titre du recueil trouve son sens - perçu avec la distance nécessaire, puisqu'il est question de colons sûrs de la justesse de leur cause, qu'elle soit défendue sous pavillon français ou anglais - nous sommes en Inde, pour ce coup-ci, où vivent tigres et éléphants. En somme, l'auteur du "Fardeau de l'homme blanc" revisite les récits coloniaux. Il les subvertit en en soulignant les travers par l'ironie, gage de prise de conscience ou de rappel: les erreurs du passé sont connues, et il est encore et toujours temps d'y réfléchir. Avec ce recueil de nouvelles, Marc Bressant y contribue.

 

Marc Bressant, Le fardeau de l'homme blanc, Paris, Editions de l'Aube, 2011.

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