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8 janvier 2016 5 08 /01 /janvier /2016 21:48

Perret ArbresLu par Bigmammy, Catherine Babou.

 

Ce sont pour ainsi dire les cahiers d'un retour au pays natal, signés Michèle Perret. Dans "Les arbres ne nous oublient pas", cependant, rien du tourment d'Aimé Césaire. Et rien non plus de l'écriture de Karen Blixen, dont l'auteure se distancie dès le début. La nouvelliste, native d'Oran, relate sur un ton aisé les impressions et choses vues d'un retour à la ferme algérienne de sa jeunesse. Et c'est aujourd'hui même que cet ouvrage paraît!

 

Un ton aisé... mais il y a un certain génie dans l'aisance, tant il faut un immense savoir-faire pour dire les choses simplement. L'auteure orchestre ses chapitres de manière concentrique, de manière à plonger progressivement le lecteur dans la profondeur de son propos, en partant de la surface. Tout s'ouvre sur un assez long chapitre où les souvenirs, et partant le passé, s'exposent. Ce chapitre fait figure de prologue, avant que le livre ne plonge dans le temps d'aujourd'hui. Ce temps où Michèle Perret décide d'aller retrouver la terre qu'elle a quittée en 1963 dans le sillage de la décolonisation. Démarche courageuse...

 

Puis viennent les lieux. Le chapitre 2 s'avère visuel, quitte à passer pour touristique: il y sera question de l'Oran d'aujourd'hui, de ses bâtiments, et des gens qui y vivent. De bout en bout, et tout au long du livre, l'auteure cherche l'image juste pour dire l'Oran d'aujourd'hui, loin des clichés et des stéréotypes.

 

Ce souci d'aller au plus près du réel amène l'auteure à évoquer les humains, qu'elle présente comme accueillants et confiants, quitte à renvoyer le lecteur à sa propre prudence: qui, chez nous, serait prêt à recevoir chez lui quelqu'un qui lui affirme avoir vécu là quelques décennies auparavant? L'auteure a toujours un mot, un regard bienveillants pour les personnes, que celles-ci soient des jeunes désoeuvrés ou ceux qui habitent les lieux de son enfance. Il arrive même que des fantômes émergent...

 

Logiquement, c'est en fin d'ouvrage que l'on se concentre sur la ferme où vécut sa famille. Une famille qui semble hanter encore cette ferme, ce dont témoigne une énigmatique photo reproduite dans l'ouvrage. L'auteure a su, jusque-là, faire monter l'impatience et la curiosité du lecteur, en le faisant s'interroger: où un Pied-noir aisé pouvait-il donc vivre, et comment? Le parcours utilise comme fil rouge les arbres, jalons pérennes ou non, et êtres marquants de la jeunesse de la narratrice.

 

Les lieux, les personnes: "Les arbres ne nous oublient pas" a tout du roman de voyage aux sources. Introduits par des photos tirées de la collection personnelle de l'auteure, les chapitres prennent l'aspect de chroniques où la vision générale, comme saisie avec un grand-angle, côtoie des moments où l'on observe le réel en gros plan. Régulièrement, ils font l'aller-retour entre l'Algérie d'aujourd'hui et celle que l'auteure a dû quitter. Et au détour de pages écrites avec sobriété, l'émotion et la nostalgie jaillissent d'une chose vue: une cigogne sur une hauteur, un bâtiment disparu ou retrouvé ou la noblesse d'une attitude.

 

Michèle Perret, Les arbres ne nous oublient pas, Montpellier, Chèvre-feuille étoilée, 2016.

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commentaires

M
Une expérience troublante, dont je ne suis pas sortie indemne et la découverte d'un pays bien différent des poncifs qu'on nous sert en général. Merci Daniel Fattore d'avoir si bien perçu le sens de ce livre.
D
Je vous en prie! Ce fut un beau moment de lecture; merci à vous pour les heures passées en compagnie de ce livre.
C
J'aime beaucoup votre compte-rendu de lecture j'ai relevé une phrase que je pense souvent lors de mes lectures... " mais il y a un certain génie dans l'aisance, tant il faut un immense savoir-faire pour dire les choses simplement " je suis toujours étonnée par les belles tournures de phrases de certains auteurs. Un plaisir de vous lire sur cette belle lecture que nous avons partagée.
D
Merci beaucoup de votre visite par ici - et de votre lecture attentive de cette chronique! :-)
D
Je vous en prie! Merci pour l'envoi de ce livre. Merci aussi de m'avoir fait découvrir votre maison d'édition!
A
Merci Monsieur Fattore pour cette si belle, c'est exactement ce que nou s avons ressenti en lisant le manuscrit....

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