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25 janvier 2016 1 25 /01 /janvier /2016 21:19

Jarry VoixLu par Clara, Dominique 84, Liredon, Pascale.

 

Un professeur de philosophie très malade téléphone à une ancienne étudiante qui fut aussi son amante pour qu'elle le rejoindre, l'aide, et que revive, peut-être, une passion. En paraphrasant l'auteur suédois Per Christian Jersild, on pourrait nommer "Un amour d'autrefois" ce roman qu'Isabelle Jarry a intitulé "La voix des êtres aimés". Un ouvrage à l'écriture fine qui explore, jusque dans ses moindres recoins, les liens complexes qui persistent par-delà les années - et ne demandent qu'à être ravivés.

 

On ne peut qu'applaudir au début de ce roman, et constater avec admiration la manière dont l'auteure décrit, en une subtile gradation qui couvre les deux premiers chapitres, le chapitre 2 s'achevant sur une manière de sommet. On relève que les voix ne s'expriment guère, que rien ou presque ne passe par les mots jusque-là - et que les vrais dialogues ne viennent qu'ensuite. Céleste et Paul prennent le temps de se retrouver, de s'apprivoiser à nouveau, ce que l'auteure dit avec justesse. Tout au plus regrette-t-on certaines parenthèses, lourdes dans un récit tout en finesse, humble traduction de l'impuissance de l'auteure à être aussi exacte qu'elle l'aimerait.

 

L'auteure creuse la relation qui relie Paul et Céleste sur près de 300 pages, abordant de manière classique tous les aspects d'une relation torturée: le passé qui conditionne le présent, la différence d'âge, la relation entre un enseignant et son étudiante, le mariage, etc., quitte à déborder les limites de la vraisemblance: croit-on vraiment, comme lecteur, qu'un mari, fût-il peu présent, va laisser son épouse aussi longtemps avec son vieux professeur et amant? Assez souvent, on glisse dans l'introspection, notamment en fin de roman, lorsque Paul se retrouve seul face à lui-même et à sa maladie. Par moments, face à ce récit dense, un certain ennui peut naître: baladant son lectorat entre philosophie spinozienne, compétitions d'ultrafond et mysticisme amérindien, l'auteure ne parvient pas tout à fait à tenir la distance.

 

On préfère suivre l'histoire d'amour que l'écrivaine enchâsse dans son roman, une histoire sans espoir qui a lié Céleste à un Vietnamien torturé nommé Hoáng. Interrompue puis reprise à la manière d'un feuilleton, la narration n'est pas sans rappeler les contes des Mille et une nuits. Elle se fait lyrique, aussi, grâce à la personnalité de Céleste. C'est que les deux personnages centraux sont bien caractérisés. On découvre ainsi un Paul volontiers allusif, qui a le sens de la formule énigmatique, face à une Céleste en verve, ironique à l'occasion, dont les interventions, la voix, font pétiller "La voix des êtres aimés".

 

Et puis il y a la maladie, thème prégnant de ce roman. Quelle est-elle? L'auteure ne la mentionne jamais, donnant au récit une indéniable pudeur - ou témoignant ainsi d'une crainte face à l'inéluctable. Il est certes question de "sclérose", quelque part; mais le mot paraît utilisé dans un sens imagé. A sa manière, la romancière illustre l'adage populaire: "Quand ne peut plus ajouter des années à la vie, il faut ajouter de la vie aux années". Cela passe par l'intimité, par un jardin que Céleste organise pour faire contrepoids à la désorganisation de la santé de Paul, par les échanges. Et même si le voyage paraît parfois long, force est de constater que l'auteure a, de manière ambitieuse, fait le (grand) tour de son sujet.

 

Isabelle Jarry, La voix des êtres aimés, Paris, Stock, 2011.

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