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26 décembre 2015 6 26 /12 /décembre /2015 23:44

Nair BangaloreLu par Atasi, Cassiopée, Fantastikindia, Jostein, Laurent, Lecture-Ecriture, Sibylle.

Défi Polars et thrillers.

Le site de l'auteur.

 

Un policier atypique pour un cadre qui ne l'est pas moins. Borei Gowda mène l'enquête à sa manière. On sait qu'il aime le rhum. Qu'il fait des erreurs. On dit aussi qu'il a un sixième sens. Celui-ci sera mis à rude épreuve dans "L'inconnue de Bangalore", roman policier de l'écrivaine indienne Anita Nair.

 

Qui est l'homme qui se maquille en début de roman? L'auteure installe un climat de mystère extrême autour de ce bonhomme, qu'elle présente pour ainsi dire en gros plan, en ayant soin d'en dire assez, ou assez peu, pour intriguer. Intéressant! Mais le lecteur devra faire l'effort de rentrer dans le monde mis en place par l'écrivaine. S'y côtoient cet homme qui se travestit, un gaillard qui tient à respecter le jeûne du ramadan et quelques eunuques. Certes, c'est l'Inde dans toute sa diversité; mais il faut un moment pour que le lecteur comprenne le lien, certes indiscutable, entre tous ces personnages.

 

Trouble dans le genre

Quelques eunuques, ai-je dit. Partie prenante de la société indienne, ils occupent dans "L'inconnue de Bangalore" une place particulière: ils/elles troublent la frontière entre les genres. Un trouble grammatical d'abord, puisqu'on en parle généralement au féminin, sauf quelques exceptions. C'est un choix assumé et argumenté de la traductrice, Dominique Vitalyos; pour un lecteur francophone, c'est aussi le signe d'une zone grise entre hommes et femmes. Le roman en joue, d'ailleurs, en dépeignant les conditions de vie de ces personnes.

 

Trouble dans les genres également avec le titre de ce roman, dans sa traduction française: "L'inconnue de Bangalore" est-elle une femme, un homme ou autre chose? La traductrice installe ici, et c'est bien joué de sa part, un élément supplémentaire, troublant, de suspens.

 

Une certaine vision de Bangalore...

Quelle vision de Bangalore l'auteure renvoie-t-elle? Le lecteur va se retrouver dans un monde de contrastes, présentés comme naturels: d'un côté, il y a la promesse d'un avenir dans l'informatique pour certains personnages; de l'autre, l'auteure met en scène les particularités de plusieurs religions qui se côtoient à Bangalore, d'une manière qui peut surprendre - en particulier pour ce qui concerne la procession chrétienne, toute colorée de safran, qui intervient en fin de roman.

 

Il y a aussi la corruption, et la valeur donnée à une vie humaine enlevée de manière criminelle, qui impose aux policiers du roman, Gowda en tête, de justifier leur volonté d'enquêter. "L'inconnue de Bangalore" glisse par ailleurs un ou deux aspects liés au système de castes, même si ce n'est pas un élément clé de l'intrigue. Enfin, la nourriture est très présente. Pour le meilleur, elle contribue à la note sensuelle appuyée qui baigne "L'Inconnue de Bangalore"; pour le pire, l'auteure révèle que le biriyani peut être un vrai supplice. Tout cela est dit de manière factuelle, distante presque, à la manière de choses vues, sans jamais tomber dans le jugement.

 

... et de la police

L'image de la police est particulière, enfin, éloignée de ce à quoi nous ont habitués les polars à l'américaine et les séries télévisées. L'auteure en est consciente et trouve plus d'une manière de souligner cet écart: par exemple, certains personnages visionnent les séries à la télévision et croient que la police indienne fonctionne comme sur le petit écran.

 

L'enquête s'achève de manière tragique. Cela, au terme d'une intrigue organique que l'auteure fait évoluer avec souplesse, avec des détours inattendus dictés par le contexte de Bangalore. Il y a certes de quoi être désarçonné par un démarrage lent qui privilégie les gros plans plutôt que les liens entre éléments d'intrigue. Peu à peu, cependant, le puzzle se met en place. Et si le début est lent, la fin ralentit de la même manière... avec un effet saisissant: on finit par en redemander.

 

Anita Nair, L'Inconnue de Bangalore, Paris, Albin Michel, 2013, traduction de Dominique Vitalyos.

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commentaires

Y
Franchement dépaysant, c'st un roman que j'avais bien aimé, qui nous change effectivement des polar étasuniens (mais je n'en lis pas beaucoup).
D
Dépaysant, c'est le mot! Ce polar fonctionne à la perfection, mais sur des bases totalement différentes des polars étasuniens bien huilés, parfois hyper-technologiques. Et parfois, l'auteure donne à voir certains aspects méconnus de la société indienne; c'est fort intéressant.

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