Lu par Amandine Glévarec, Francis Richard.
Autofiction... quel gros mot, diront certains! Avec "Polaroïds", l'écrivaine Laure Mi Hyun Croset assume pleinement l'étiquette, et l'illustre même. Sobre pour laisser toute la place à ce qui est raconté, le style est celui d'une auteure qui choisit de se mettre à nu. Et ce n'est pas peu dire: trouvant un juste milieu idéal entre la fausse pudeur et le voyeurisme racoleur, la narratrice de "Polaroïds" va très loin dans l'exploration de son passé, quitte à laisser l'impression d'une psychanalyse qui révélerait tout, y compris des choses intimes et difficiles à avouer. En début de carrière littéraire, l'auteure relève pourtant le défi, sans tricher, et offre au lecteur l'occasion de faire intimement connaissance avec elle.
Le tire, "Polaroïds", renvoie à ces photos qu'on pouvait voir immédiatement, sans passer par l'étape du développement propre à l'argentique, et qui ont saisi plus d'un moment de vie au temps où le numérique ne s'était pas emparé de l'image. Pourquoi ce mot? L'auteure s'en explique d'emblée: "Je conçois les névroses comme des séries de polaroïds inquiétants, disséminés dans de vastes forêts, comme un certain nombre d'images égarées dans les bois de nos esprits." Et c'est en effet à la façon d'instantanés, de photographies prises sur le vif et révélatrices d'aspects très personnels voire intimes, que se structure "Polaroïds". Ces instantanés de vie font écho à l'usage immodéré que les parents de la narratice font de l'appareil photo - c'est un fil rouge pour le début du livre.
Et de quoi sera-t-il question? Chapitre après chapitre, l'écrivaine aborde les différents aspects de son existence. Elle parle d'identité, puisque la romancière, d'origine coréenne, a été adoptée par une famille suisse. Il sera question de langue française, de rapport aux parents et aux amis. Comme dans une psychanalyse, l'auteure creuse profond et n'omet aucun épisode, fût-il gênant ou honteux. Elle va plus loin en abordant des éléments que l'on ne soupçonne guère quand tout va bien: le rapport au corps et à la peau, le regard des autres, etc. Regroupés en chapitres, ces instantanés, ces Polaroïds sont des épisodes de vie que l'on dévore, avec curiosité - qu'ils soient originaux ou convenus. Du coup, le lecteur serait-il voyeur? Il lui arrivera en tout cas de se retrouver, d'une manière ou d'une autre, dans les anecdotes relatées.
L'auteure ne cherche pas à se donner le beau rôle. Mais elle ne s'accable jamais non plus. En définitive, le lecteur découvre une série d'épisodes narrés avec une certaine distance par celle qui les a vécus. Cette distance offre à chacun un peu de place pour sourire, un espace de connivence, et susciter des sentiments autres qu'un apitoiement superficiel. Vu comme cela, le lecteur a envie d'en savoir plus... et tournera immanquablement des pages remplies d'histoires courtes et vivantes.
Laure Mi Hyun Croset, Polaroïds, Avin, Luce Wilquin, 2011.
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