Lu par Lorraine, Métaphore, Miss Bouquin Aix, Yv.
Défi Premier roman.
Le blog de l'auteur.
C'est au moment de sa parution que j'ai entendu parler de "SOS Flemmards", premier roman de Sandra Ganneval: c'était sur le regretté site des "Agents littéraires", me semble-t-il. Mon exemplaire papier m'est parvenu en même temps qu'une commande de mon "Noeud de l'intrigue". Il a eu le temps de découvrir, depuis, l'ambiance morne et attentiste de ma pile à lire. Et enfin, je l'ai lu... chouette découverte en vérité! Une de celles sur lesquelles il y a quelque chose à raconter.
Paru d'emblée en un format de poche commode à transporter mais aux marges trop petites, "SOS Flemmards" invite le lecteur à plonger dans les tribulations de deux amis noirs qui cherchent leur place dans la société parisienne de leur temps - qui est aussi le nôtre. Il est donc question des études, du premier emploi qui dure, des amitiés, des amours même. Bref, de l'insertion sociale de deux gars rigolos, pas forcément ambitieux, charriés par la vie. On pourrait même se reconnaître en eux, tiens!
Côté emploi, le lecteur retient la qualité de l'observation du fonctionnement d'une agence de Pôle Emploi. Le regard de l'auteur embrasse tous les points de vue. L'un de ses personnages y travaille comme conseiller, ce qui permet de donner un aperçu finement observé du désarroi lié à cette fonction - cela, sans pathos. Il n'est pas non plus question de tirer des larmes faciles au lecteur lorsqu'il faut esquisser le portrait de certains utilisateurs de ce service d'Etat français. A la caricature de certains cas sociaux qui hantent les bureaux de Pôle Emploi sans véritable volonté de trouver un travail, se mêle même une certaine tendresse. Sans esquisser de solution miraculeuse à ce problématique face-à-face, l'auteure met ainsi en présence l'impuissance des agents et le vécu des usagers. Elle met aussi en regard, mine de rien, la stabilité morne de la fonction publique et les boulots plus ou moins petits et limités dans le secteur privé. Et quid du titre du livre, enfin? Celui-ci fait référence à un épisode peu exploité du roman. Dommage: "SOS Flemmards", c'est accrocheur, mais pas idéal pour les personnages mis en scène, pleins de bonne volonté, ou en tout cas près jouer le jeu des adultes, serait-ce à leur manière.
Les amours? Le lecteur se souvient avant tout du lien peu évident qui unit Mélanie et Joseph. L'auteure aborde le thème rare de la manière dont on se sent, déstabilisante, dès lors qu'on se met en ménage, et la subtilité qu'elle y met fait mouche: une fille qui veut et fait le premier pas pour se mettre en ménage, un gars qui n'est pas prêt à cela mais accepte finalement de jouer le jeu, et puis la recherche de la bonne distance, de la bonne proximité... Dessinées de manière réussie, cette thématique occupe les dernières dizaines de pages de "SOS Flemmards".
Face à l'amour, il y a l'amitié... et celle-ci est le véritable moteur, la constante, du premier roman de Sandra Ganneval. L'auteur fait fonctionner le tandem d'amis pas toujours très matures qui fonctionne sur le mode de la complémentarité, quitte à oser mettre en évidence deux personnages fort différents, mais bien construits: un dragueur aux allures de sérieux, et un gars cool en ce qui concerne le métier. C'est dans ce contexte que l'auteure dévoile une force majeure: sa qualité à créer des dialogues alertes, drôles ou taquins, qui claquent quand il faut et savent ralentir le récit lorsque c'est nécessaire. Ce rythme tranche avec des descriptions qui, parfois, s'étalent en paragraphes longs qui, sans être difficiles, ralentissent un peu la lecture.
Enfin, la question du statut du Noir à Paris est présente, même si l'auteur ne l'impose jamais. Rien de lourd, en effet: le plus souvent, cet aspect est regardé d'une manière distante, gage d'humour de mots ou de situation. Pour l'auteure, c'est aussi l'occasion de dépeindre, par-ci, par-là, des aperçus de la mentalité et du mode de ville antillais: cuisine, relations familiales, etc.
Et s'il peut regretter certains paragraphes un peu longs, le lecteur goûtera, d'une manière générale, l'esprit léger, jeune et frais de "SOS Flemmards". Et sans doute qu'il aura, à la fin de sa lecture, le sourire du bonhomme qui illustre la page de couverture...
Sandra Ganneval, SOS Flemmards, Sandra Ganneval Editions, 2011.
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