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5 janvier 2015 1 05 /01 /janvier /2015 21:20

partage photo gratuitLu par Asclepiade, Benoît Brunel, Boidron, David Moginier, GJE, Jacques Berthomeau, La Pinardothek, Laurent Gotti, Le Coureur de vins, Mi-fugue, mi raisin, Olif, Pascal Henot, Terre de vins.

 

"VinoBusiness" a secoué la blogosphère des vins à sa parution, au début 2014. Gageons que ce réquisitoire vigoureux signé Isabelle Saporta a aussi suscité quelques remous dans le vignoble français, qu'il fait plus qu'égratigner. Le lecteur se trouve en présence d'un étrillage en règle des pratiques viticoles dans le Bordelais en particulier, mais aussi, en passant, du côté de la Champagne et de la Bourgogne.

 

Les connaisseurs du milieu estiment que cet ouvrage ne révèle pas grand-chose; soit. Le grand public, en revanche, va suivre une analyse en forme d'enquête à charge qui touche aux principaux aspects et enjeux de la production viticole de haut niveau, telle qu'elle se pratique en France - pays phare mondial en matière de vins. La critique acerbe des classements de Saint-Emilion est attendue, par exemple - elle trouve un précédent dans "In Vino Satanas" de Denis Saverot et Benoist Simmat, de même que le côté "bling-bling" d'une certaine manière de promouvoir les grands vins ou le rôle ambigu de l'INAO et d'autres institutions.

 

Le lecteur en apprendra plus sur certains enjeux internationaux, que l'auteur sait approfondir dans une certaine mesure, à l'échelle d'un ouvrage de 252 pages. Le lecteur découvre ainsi ce que les Chinois viennent chercher dans le bordelais... et ce que les gros producteurs bordelais vont chercher en Chine, réciproquement. La question des investisseurs institutionnels sans visage est également évoquée, trop brièvement hélas; elle rappelle le bref ouvrage "Menaces sur la civilisation du vin" de Raoul Marc Jennar  Cela, sans aller beaucoup plus loin: à ma connaissance, le livre qui relate les liens peu évidents entre le vignoble et l'investissement à l'aube du XXIe siècle reste à écrire.

 

L'une des forces de "Menaces sur la civilisation du vin" est par ailleurs de relever l'opposition entre un vin de vigneron, qui prend le risque de déplaire mais a de la personnalité, et un vin technologique, qui cherche à séduire le public à tout prix (la sommelière Emilie Merienne en parle aussi sur son blog, je vous laisse le découvrir!). Cette question est également présente dans "VinoBusiness", qui suggère la tentation qu'ont certaines appellations de réaliser un goût à tout prix, quitte à maquiller le vin à l'occasion: levures, assemblages, etc. Là, on pense parfois à "La Bataille du vin et de l'amour" d'Alice Feiring - tout comme lorsqu'il est question d'un critique nommé Robert Parker, présenté comme celui qui fait et défait les réputations. Avec des conséquences économiques incalculables: prix des terrains, prix de vente des bouteilles, poids de l'héritage, spéculation, etc. Tout cela, Isabelle Saporta l'analyse avec intelligence, tout comme elle évoque le rôle de consultants assez éloignés du terroir.

 

Isabelle Saporta décrit donc un monde où, selon elle, tous les coups sont permis pour rester au sommet. Elle a eu le courage de s'entretenir avec des acteurs fort exposés du secteur, et souvent du côté "business": si les grands acteurs les plus divers du Bordelais sont omniprésents (Hubert de Boüard, Christian Moueix, Stéphane Derenoncourt), les humbles se font plus discrets, si l'on excepte des figures comme Dominique Techer ou Aline Guichard (belle analyse d'un cas présenté comme emblématique). Comme dans toute enquête journalistique qui se respecte, l'intérêt de "VinoBusiness" naît de ce choc des voix et des avis, savamment orchestré par l'auteure.

 

Alors? Du neuf et de l'attendu, voilà ce que contient "VinoBusiness". Le lecteur qui veut en savoir plus sur ce qu'il y a dans une bouteille de vin sera un peu déçu: on est loin du livre de dégustation, et du côté qualitatif, l'auteure interroge plutôt la question des pesticides que celle du goût du vin. Comme attendu également, le style est celui d'un essai à sensation, construit avec professionnalisme, qui file la double métaphore des féodalités et d'Astérix pour interpeller, voire choquer, en mettant en évidence des jeux de pouvoir violents.

 

Présenté comme le portrait d'un "Dallas hexagonal", cet ouvrage critique et corrosif aurait gagné à être enrichi de quelques pages plus développées de suggestions pour améliorer les différents aspects de la filière du vin en France. Mais il aura eu le mérite de lancer le débat - les blogs que je cite en début de billet en témoignent. Un bon début... non?

 

Isabelle Saporta, Vinobusiness, Paris, Albin Michel, 2014.

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commentaires

Y
Il en est du vin comme des autres produits, certains uniformisent les goûts pour que les clients ne puissent être déçus et le vin perd alors tout son intérêt, et d'autres travaillent avec les aléas et leur vin vit et évolue. C'est un peu le même problème qu'avec le fromage, autre fleuron français. Perso, un bon fromage (lait cru) avec du bon pain et un bon vin (si possible bio) et mon repas est parfait !
D
Fromage, pain, bon vin... le bonheur pour moi aussi! Les vins qu'on trouve en supermarché ne sont pas forcément mauvais, mais c'est vrai qu'ils n'offrent guère de surprises: un fendant goûte comme un fendant, il fait son travail si j'ose dire, mais ne sera jamais atypique, surprenant, épatant, etc. Dommage! Un peu pareil pour les fromages, c'est vrai - et en Suisse, on se débrouille pas mal en la matière. La bonne chère, élément civilisationnel? Je le pense. Bon appétit... et bonne fin de semaine!

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