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30 décembre 2014 2 30 /12 /décembre /2014 19:53

partage photo gratuitLu par Univers Chick Lit.

Le site de l'auteur.

 

C'est un des tout derniers titres de la série "Red Dress Ink"... dès lors, il vaut la peine qu'on en parle. D'autant plus qu'avec "Méfiez-vous de vos voeux... ils pourraient se réaliser", l'écrivaine américaine Laura Caldwell relate une romance qui, sous des dessous bien classiques et mainstream, nappés d'une solide touche d'alcool et de bons et moins bons sentiments, amène au genre un soupçon de fantastique qui lui sied à merveille.

 

Installée à Chicago, juriste et journaliste, l'auteure maîtrise les codes d'une bonne romance. Elle met en scène Billy, employée ambitieuse d'une entreprise de relations publiques. Quatre voeux la mobilisent, au moins: transformer son mari en prince charmant (il est devenu pantouflard, il faut qu'on en parle!), décrocher un poste de directrice adjointe (yess!), faire disparaître sa rivale Alexa et, qui sait, tester avec succès son sex-appeal sur Evan, un collègue de bureau - l'archétype du prédateur à la "voix rauque". Force est de constater que l'auteur captive avec ce pitch qui, s'il est minimaliste, n'en est pas moins prometteur. Sans doute parce qu'il est très, très humain, et que chacune et chacun peut s'y reconnaître

 

L'importance du début

Le premier chapitre de "Méfiez-vous de vous voeux... " est un bijou. En une grosse dizaine de pages d'une exposition redoutablement efficace, l'auteure montre les lignes de force qu'elle met en place entre ses acteurs: qui aime qui, qui déteste qui. Tout se joue ici, au gré d'une réunion où tous les personnages ont un rôle à jouer. Il y a Evan le tombeur, Alexa la fille qu'on veut éliminer... l'auteure excelle à dessiner ici les rapports de force entre des personnages bien construits, quoique conventionnels: gestes, répliques, regards, rien ne manque. Et tout parle.

 

Comme personnage de chick lit, Billy, la narratrice, est parfaite. Nous avons ici une figure de jeune trentenaire qui se sent constamment inférieure à celles et ceux qui l'entourent, et - c'est classique, ha ha! - peine à trouver sa place dans la vie. Elle vise un poste de cadre, mais le veut-elle vraiment? Veut-elle vraiment sauver son mariage avec Chris, le mec idéal? Et veut-elle retrouver ses marques avec ses parents - et en particulier avec son père, qui a fui le domicile conjugal? Telles sont les questions qui se posent d'emblée.

 

Un soupçon de fantastique

Fait peu commun en chick lit, l'auteure intègre un chouïa de fantastique. Celui-ci prend la forme d'une grenouille en pierre - et là, le doute s'installe et intrigue le lectorat. A quelques éléments près, en effet, rien n'est redevable à ce batracien japonais. A moins d'y croire...

 

"L'objet" joue le rôle de talisman. Pour lui donner un supplément d'importance, l'auteure crée un prologue mystérieux, écrit à la troisième personne pour prendre de la distance. Mais dès lors qu'on aborde les chapitres proprement dits, la grenouille devient un élément récurrent, voire un "running gag": le lecteur se délectera des chapitres enlevés où la narratrice veut se débarrasser de l'objet, au musée, dans un enterrement ou ailleurs. Et la phrase "Le lendemain matin, je la retrouve sur ma table de nuit" fait figure de ritournelle, cocasse et attendue - ceci expliquant cela.

 

Plans de carrière contrariés

L'intrigue de "Méfiez-vous de vos voeux..." intervient dans une entreprise de communication où les places sont chères. D'emblée, l'obtention d'un job meilleur, plus responsabilisant et si possible plus rémunérateur, s'impose comme un objectif possible. L'auteure montre les tensions que cela installe, et aussi ceux qui en bénéficient, dans une logique bien structurante, à l'américaine, de progression au mérite: seul celui qui décroche les meilleurs contrats avance. Quitte à privilégier le quantitatif au détriment du qualitatif.

 

Du côté de ceux qui sont contrariés, notons Alexa, figure secondaire mais captivante: l'auteure lui donne sa chance, non sans mettre ses défauts, réels ou supposés, en évidence. Ceux-ci peuvent être des qualités... Le lecteur peinera à comprendre l'amitié qui s'installe entre Alexa et Billy (qui l'a licenciée); mais il s'attachera à cette belle femme ambitieuse aux accents latinos.

 

Une vision américaine démasquée

Logique américaine, ai-je dit: il est question d'un certain optimisme. Alexa, toujours elle (ça vaut le coup de s'intéresser aux personnages secondaires...), croit en sa petite entreprise même si celle-ci se résume à un bureau en forme de table posée sur deux piles de briques de lait. De manière plus logique (euh...), la dynamique de l'entreprise où travaille Billy implique une évolution de carrière: je l'ai dit, celui qui veut progresser et s'en donne la peine aura un poste plus intéressant, assorti d'une augmentation de salaire. Mais le faut-il vraiment? "Il faut parfois savoir rebrousser chemin", dit un personnage qu'on perçoit comme odieux, mais empreint d'une indéniable sagesse et d'un vécu bien à lui.

 

Alors, que de questions: carriérisme ou plaisir au travail? Pognon ou créativité? Faut-il renoncer à un poste de cadre pour avoir du plaisir au travail? Ou pour sauver son couple? Ces aspects sont au coeur de la relation entre Billy et Chris, son mari, et de la vie de Billy en général: si un mari distant n'est pas agréable, un homme trop aimant, pour ne pas dire collant, ce n'est pas top non plus. L'auteure excelle à caricaturer ce personnage masculin, qui va jusqu'à attendre son épouse jusqu'aux petites heures pour lui servir ses succulentes spécialités culinaires. Entre désintérêt et sollicitude, il faudra trouver un juste milieu! Cela, sans compter le bel Evan...

 

Et puis il y a Chicago... une ville montrée de façon naturelle, avec ses musées, sa Loyola University et sa tour Sears, mais sans insister lourdement. Cela suffit pour monter qu'on est bien aux Etats-Unis. En contrepoint, la ville minière de Telluride fait figure de cité provinciale esquissée de façon crédible, susceptible de surprendre avec ses festivals de jazz. Cà et là, quelques échos narratifs ne manqueront pas de survenir pour consolider une intrigue par ailleurs bien construite. Enfin, il y a quelque chose de très américain dans cette bague de fiançailles lourdement sertie de diamants, vue au détour d'une page, et qu'on croirait tout droit sortie des "Liens du mariage", roman virtuose de Julie Courtney Sullivan...

 

Facile, moral, mais ça marche!

Dans la mesure où il met en scène une jeune femme qui cherche sa place dans la vie, "Méfiez-vous de vos voeux... ils pourraient se réaliser" est une romance classique, facile diront certains, menée de main de maître au travers de péripéties impeccables et comiques à l'occasion. Ce roman aux accents de chick lit recèle aussi un côté moral bien américain, optimiste en diable, montrant qu'il incombe à chacun de se prendre en main plutôt que de rejeter sur les autres la responsabilité de ce qui ne va pas. Tel est le prix du succès!

 

Enfin, l'auteure se distingue en offrant à son ouvrage un soupçon de fantastique à la Guy de Maupassant: au fond, la grenouille est-elle vraiment le moteur de l'évolution de la vie de Billy l'insatisfaite? Ou Billy est-elle parvenue à progresser toute seule? Ou y a-t-il un peu des deux? Optimiste, la fin entretient le doute jusqu'au bout. Cela, pour le plus grand délice du lecteur: celui-ci goûte une fin ouverte qui conclut un roman qui, écrit en mode majeur sur un ton facile et alerte, rappelle que le chemin du bonheur est plus difficile qu'il n'y paraît. Et que même au printemps, un coup de baguette magique, lancé par une mystérieuse psy qui fait figure de magicienne moderne, n'y suffit pas forcément...

 

Laura Caldwell, Méfiez-vous de vos voeux... ils pourraient se réaliser!, Paris, Harlequin/Red Dress Ink, 2014, première édition en 2006. Traduction de F. M. J. Wright.

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