Lu par Mimi.
Le blog de l'éditeur.
Constance est une quadragénaire, célibataire endurcie. Mais pas assez pour s'interdire de traîner sur Meetic. Un tel personnage est suffisamment riche pour que Véronique Fiszman, pianiste et romancière, s'en empare et décrive sa destinée. Cela, en revisitant avec intelligence, si ce n'est avec subtilité, les genres de la romance et de la comédie sentimentale à l'américaine.
A la romance, façon Harlequin, l'auteure emprunte le vieux procédé consistant à rendre une employée médicale subalterne (en l'occurrence une manipulatrice dans un cabinet de radiologie) amoureuse de son patron, radiologue, un vrai médecin, avec tous les diplômes et le statut social qui vont avec. Ici, le couple à construire s'appelle Constance et Marc. On le sent venir; dès lors, l'auteure emprunte à la comédie sentimentale le fait que si l'on sait où l'on va aller, l'intérêt réside dans la manière dont les deux amoureux vont tomber définitivement dans les bras l'un de l'autre. Un soupçon de marivaudage fait le reste.
L'auteure construit Constance avec une adresse qui laisse pantois, en choisissant la mise en situation. Relatant un premier rendez-vous, le premier chapitre de "L'Ivresse de la bascule" s'avère très bon: le lecteur y découvre une Constance qui se contrôle en permanence, héritière d'un certain atavisme, à mille lieues d'une spontanéité qui aurait été plus propice à la naissance de sentiments. Mine de rien, l'auteure installe aussi une ambiance sensuelle qui va parfumer tout le roman, en accordant une attention constante aux parties du corps de Constance, à ses vêtements et à ce qu'ils (dé)voilent. Piégé avec délices, le lecteur trouvera Constance appétissante... et se demandera dès lors pourquoi personne, dans l'environnement romanesque, ne pense pareil. Personne, sauf...
... le fameux Marc. L'auteure le construit de façon à ce qu'il ait l'air presque indésirable: certes, il a le statut social d'un médecin, mais il est marié et volage ("en manque de Constance", suggère l'auteure, consciente d'un double sens que seule une majuscule tranche), et aime montrer sa richesse. Ce que l'auteure souligne par un usage discret mais efficace du "namedropping": à plus d'une reprise, elle fait se confronter la Fiat de Constance et la Mercedes du médecin, affirmant ainsi des statuts sociaux différents.
Marc est par ailleurs affublé d'une épouse qui est une sacrée bonne femme - le lecteur pourra à raison la trouver excessive, caricaturale. Elle s'est approprié la bite de son mari: "Le soir de leur mariage, elle lui avait dit, froidement, alors qu'il allait la pénétrer: À partir d'aujourd'hui, cette queue m'appartient. J'en ai l'exclusivité. Si tu avais le malheur de la tremper ailleurs, il n'y aurait aucune possibilité de rattrapage." (p. 37) Femme entière jusqu'à l'excès, capable de sauver les apparences quand même (scène d'anniversaire, digne du meilleur des vaudevilles), elle réagira de façon extrême (mais y croit-on?) à l'idée de se séparer de Marc...
Ces outrances font partie d'un dispositif ironique que le lecteur capte dès les premières pages de "L'Ivresse de la bascule". D'emblée, on est en effet dans l'excès: excès de contrôle pour Constance, excès de femmes pour Marc, excès de cancans pour les collègues de Constance, qui constituent un choeur de commères savoureux emmené par Bernardine. Alors certes, le lecteur va devoir accepter quelques longueurs, en particulier celles qui relatent les vicissitudes managériales liées à la fusion de deux cabinets médicaux de province. Mais celles-ci seront vite surmontées: "L'Ivresse de la bascule" se lit rapidement, d'autant plus que le lecteur sait assez vite où il va. Et quels bras vont finir par définitivement s'étreindre.
Véronique Fiszman, L'Ivresse de la bascule, Paris, Leo Scheer, 2011.
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