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26 juillet 2014 6 26 /07 /juillet /2014 19:50

hebergeur imageLu par Cali Rise, Cécile Lardière, Christine, Clara, Clarabel, Entre 2 eaux, Florinette, Georges Flipo, Keisha, Laura, Mandor, Marie-José Bertaux.

Défi Premier roman.

Le site de l'auteure.

 

La scène d'exposition de "Tu devrais voir quelqu'un" a de quoi troubler, voire choquer. En ce premier chapitre de son premier roman, court, efficace, Emmanuelle Urien met en scène son personnage principal, Sarah, et un homme particulièrement docile auquel elle donne des ordres abstrus avec une complaisance certaine, dans une ambiance qui rappelle un esclavage moderne. Mais au fond, qui est l'esclave? Les apparences sont-elles la réalité?

 

hebergeur imageConnue pour ses nouvelles, l'auteure propose ici un roman soucieux du détail et des petites choses observées. Dépeignant deux personnages féminins, elle leur donne une épaisseur par l'action, parfois décrite en quelques verbes successifs, séparés par des virgules. Ainsi découvre-t-on Fatiha, la mère parfaite, celle qui est capable de faire plusieurs choses en même temps tout en gardant le sourire et un indécrottable optimisme. Et Sarah, sa meilleure amie, qui fonctionne de manière fantasque. La sage et la folle, l'artiste et celle qui garde les pieds sur terre: c'est un tandem appelé à fonctionner du tonnerre. Le lecteur n'est pas déçu...

 

C'est à Sarah que se rapporte le titre du roman, cela apparaît de manière évidente au fil des pages. De façon évidente, il y a le spectre de la folie, qui donne à ce titre le sens sous-jacent de "voir un psy". Il y a aussi celui de l'absence d'homme dans la vie - absence que Fatiha cherche à pallier en présentant parfois un conjoint potentiel à Sarah. Et puis il y a le coeur de ce court roman: "voir quelqu'un". Sarah voit en effet quelqu'un, le fameux Janvier. Et elle est bien la seule. Du coup, "Tu devrais voir quelqu'un" bascule dans le genre fantastique.

 

Un genre mis ici au service d'une interrogation: de l'écrivain ou de son personnage, qui est vraiment le maître? Passé quelques gammes exécutées avec maestria par une Sarah qui se croit toute-puissante, l'auteure brouille très vite les pistes, allant jusqu'à dépeindre une scène de sexe très forte, où la "maîtresse" (dans tous les sens du terme) devient littéralement l'esclave d'un jeu dont elle a pourtant elle-même fixé les règles. On songe, bien sûr, au programme de "L'Apprenti sorcier" de Paul Dukas, lui-même inspiré de Goethe, mais aussi à ces écrivains qui déclarent être guidés, voire dépassés par leurs propres personnages.

 

Côté intrigue, tout se met en place comme un trio amoureux bien ficelé, puisqu'en plus de Janvier, il y a Julien. C'est aussi là que viennent se nicher quelques clichés - parfaitement maîtrisés d'ailleurs: l'auteure sait parfaitement ce qu'elle fait. Souvent, ceux-ci naissent dans l'esprit de Sarah. Se piquant d'écriture, titulaire d'un emploi terne à l'horizon pauvre, peut-être atteinte de bovarysme, Sarah finit par créer un personnage à sa pauvre image, ou à l'image de son amant intermittent: "Une petite cicatrice sur la tempe. Quelques rides d'expression, profondes, autour des yeux charbon et du nez en lame de couteau. Le visage buriné, Une peau de marin, c'est un homme d'âge mûr. Bien conservé. Séduisant, Pourquoi pas? [...]" (p. 97) L'idée des clichés qui "collent à la peau" de l'écrivain trouve d'ailleurs une réalisation bien concrète au terme du chapitre 6.

 

Les chapitres de "Tu devrais voir quelqu'un" sont courts, d'ailleurs, et s'achèvent souvent sur une phrase courte qui relance l'intérêt - ce que l'écrivain genevois Jacques Guyonnet appelle "punchline". La brièveté des chapitres et le goût de la relance font que "Tu devrais voir quelqu'un" se lit vite et aisément, à la manière d'un bon recueil de nouvelles - et Dieu sait qu'Emmanuelle Urien en a le secret. Cela dit, l'ambiance étrange qui naît de l'émergence fantastique d'un personnage suggère, avec raison, qu'il y a aussi de quoi réfléchir derrière l'apparente rapidité de ce roman.

 

Emmanuelle Urien, Tu devrais voir quelqu'un, Paris, Gallimard, 2009.

 

 

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commentaires

C
Tiens, pourquoi pas !
D
En effet, à essayer! L'auteure excelle dans la nouvelle, mais ne démérite pas ici, avec son premier roman!

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