Lu par Argali, Bernie, Cannibal Lecteur, Cécile Baudry, Clara, Dasola, Eireann, Emma, En lisant en voyageant, Euphemia, Flynn, George Sand, Hauntya, Isabelle, Jellybelly, Karine, Karine Carville, La Livrophile, Léo, Le Papou, Loulou, Marine, Mazel, My Little Orange Box, Neph, Netherfield Park, Nourritures en tout genre, Passion de lecteur, Perséphone, Pincée de fantaisie, Ray, Richard, Sandrine, Sharon, Titine 75, Twenty-three peonies, Yueyin.
Défi Thrillers et polars.
L'intrigue policière est parfois un prétexte à une saine séance de rigolade, on le sait au moins depuis les "poilars" d'un certain Gordon Zola. J. M. Erre est un écrivain rigolo; en choisissant le monde des inconditionnels de Sherlock Holmes pour écrire son roman "Le mystère Sherlock", il a bien été obligé d'adopter la structure du roman policier, dans ce qu'elle a de plus classique et de solide - le lecteur repensera sans doute, au fil des pages, aux "Dix petits nègres" d'Agatha Christie. Mais dans "Le mystère Sherlock", il y a l'invraisemblance... et surtout l'humour.
Invraisemblance donc. Le lecteur suisse ne peut qu'être surpris par la vision de la Suisse offerte par l'auteur. Alors que l'action se situe au coeur le plus profond du canton de Berne, aucun de ses personnages ne porte un nom à consonance locale. On se retrouve même plutôt avec des locaux dont le patronyme sonne italien ou espagnol. Est-ce que l'auteur s'est seulement rendu à Meiringen, lieu de l'action et site emblématique de la geste holmésienne? Il est permis d'en douter. Mais au fond, cela n'a aucune importance. Ce que le lecteur doit savoir, c'est qu'ici, même si l'intrigue tient debout de bout en bout, le réalisme strict n'est pas prioritaire - ce qui ouvre la porte à tous les possibles.
Il convient en effet de prendre quelques distances avec la vraisemblance la plus stricte si l'on veut faire rire son public, et d'oser des détours face auxquels, si j'ose dire, la raison pourrait grincer des dents. Dès lors, l'auteur use et abuse de l'outrance et génère des gags en quantité. Il y a là un certain humour de situation, qui émerge au fur et à mesure que le congrès se poursuit... et que ses protagonistes meurent. Le lecteur goûtera le caractère caustique et cinglant des dialogues, particulièrement adroits et bien troussés.
L'auteur introduit un élément rythmique supplémentaire en variant les points de vue. Chacune des séquences de ce roman donne en effet la parole à l'un ou l'autre des personnages. C'est astucieux, dans la mesure où ça ouvre des portes. Chacun a sa voix, ce qui autorise des formes différenciées d'humour et de regards: une missive d'une dévote à son confesseur peut être hilarante, comme peut l'être un dialogue entre un junkie et le fantôme de Sherlock Holmes. Juste que ce n'est pas pareil - et qu'on ne rit pas pour les mêmes raisons.
Enfin, un tel ouvrage ne saurait être complet sans un certain hommage à l'illustre modèle. L'hommage est ici joyeux et goguenard; il prend la forme d'une multitude d'allusions au monde de Sherlock Holmes, mais aussi à quelques héros de romans policiers classiques tels qu'Hercule Poirot. Et comme tout est parfois question de point de vue dans une intrigue policière, l'auteur offre une fin qui fait que le lecteur va se demander: "euh, au fond, c'était vrai tout ça?" A lui de trancher... sachant, pour ne rien arranger, qu'il existe aussi des gens qui croient dur comme fer que Sherlock Holmes a vraiment existé.
J. M. Erre, Le Mystère Sherlock, Paris, Buchet-Chastel, 2012.
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