Lu par Alex, Ciorane, Tioufout.
Défi Thrillers et polars.
C'est l'histoire d'une enseignante mangée par ses élèves hilares. Ou, plus sérieusement, celle d'une série de bras cassés qui ferraillent entre Paris et la Creuse, avec un gosse, un accident de voiture et quelques cadavres à la clé. "Le Gâteau mexicain" est un roman policier signé de l'écrivain français Antonin Varenne. Revêtant par moments les goût du polar marseillais, il s'avère fort divertissant, malgré un milieu de narration un peu long.
Les premiers chapitres se caractérisent par un rythme et des ambiances changeantes: la longueur des chapitres varie, les voix qui s'expriment sont diverses. L'auteur donne ainsi la parole à Nino Valentine, manouche encore pas tout à fait sec derrière les oreilles, embarqué dans des aventures qui le dépassent depuis que La Chance, son aïeul, est décédé. Son langage fleuri fait contraste avec des pages au style plus neutre, narrant des scènes de violence dont l'explication interviendra en fin de roman, comme il se doit.
La Chance... c'est ce qui fait défaut à Nino Valentine, ce qui est gênant pour un représentant d'un groupe de population présenté comme superstitieux: pour retrouver les faveurs du hasard, le personnage devra récupérer la dernière dent noircie de son aïeul. Cette malchance fait écho au personnage de Padovani - un nom dont la sonorité suggère "pas de veine". L'auteur fait d'abord évoluer les parcours de ces deux personnages en parallèle; mais le lecteur sent bien qu'ils sont appelés à se rencontrer.
Padovani est le flic de l'histoire, un bonhomme obèse, atrabilaire et misanthrope, lieutenant à la brigade des moeurs. Difficile de ne pas penser à Bérurier lorsqu'on le voit - mais un Bérurier peint en mode mineur et triste. Le lecteur s'attache cependant à ce vieux Parisien à la veille de sa retraite, qui dévore des petits plats en grand nombre au restaurant du Jardin à la rue Gît-le-Coeur. Restaurant? L'auteur évoque ici un établissement qui a bel et bien existé, et a cédé la place à un restaurant nommé "Le lutin dans le jardin" il y a quelques années.
Les aventures se succèdent de manière rocambolesque, et tout est dans l'outrance. Il est regrettable que le rythme changeant du début se perde en cours de route, en raison des nécessités de la narration; mais le lecteur appréciera quelques scènes aussi affolantes que la plongée des cadavres dans la cuve de solvant d'une carrosserie (des cadavres, il ne restera guère que les dents au fond de la cuve... qui rappellent celle de La Chance) ou l'entassement des personnages clés, y compris un enfant qui fonctionne un peu à contretemps, de ce roman dans une voiture. De même, la scène où Padovani et Nino vont récupérer la dent de La Chance à la morgue est des plus croustillantes.
Si Paris est dépeint avec un certain réalisme (l'auteur évoque aussi un restaurant nommé "Le Danton", boulevard Saint-Germain, qui existe vraiment), l'époque est aussi clairement définie puisqu'il s'agit de l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle 2007. Celle-ci apparaît sobrement en arrière-plan. Cela n'empêche pas l'auteur d'évoquer Nicolas Sarkozy en termes peu amènes: " Le nabot à tête de fouine vociférait que la France était un gâteau, dont tout le monde n'aurait pas sa part", lit-on par exemple en page 162. Cela fait écho aux opinions politiques de l'enseignante évoquée en prologue (très à gauche), et constitue l'un des avatars de l'image du gâteau, qu'il soit ou non mexicain. Gâteau? Les chapitres sont regroupés en couches ou en étages, couronnés par une section intitulée "Personnages en plastique" - un peu comme ceux qu'on trouve sur la couverture. Difficile, cependant, de trouver dans "Le Gâteau mexicain" quelque chose d'effectivement mexicain!
Pas mal donc, comme roman policier! L'on aurait certes aimé avoir un centre moins mou, moins ventru et plus rythmé; on aurait aimé que l'affaire de l'enseignante mangée soit creusée plus avant, et non évacuée d'une pirouette en fin de roman. Cela dit, le lecteur goûtera le penchant de ce "Gâteau mexicain" pour l'outrance, le délire burlesque et le côté "too much" d'une narration en roue libre, épicée de quelques mots typiquement manouches.
Antonin Varenne, Le Gâteau mexicain, Paris, Toute Latitude/Intrigues, 2008.
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