Une tasse à thé qui tombe au Ritz, et tout commence. Paru en 2000, "Marie refait sa vie" est le premier roman de la danseuse France David. C'est un roman qui fait tomber son lecteur dans l'introspection. Et le thème de la chute, sous ses formes les plus diverses, traverse ce bref ouvrage qui se plaît à brouiller les pistes, quitte à dérouter le lecteur.
Il y a donc Marie D. qui fait tomber sa tasse de thé. Dès lors, elle tombe en psychanalyse, et c'est là toute la teneur de ce roman: une séance chez le psy. Tomber, c'est la musique qui tombe dans les doigts de la pianiste qu'est Marie D. C'est plonger au fond de soi-même, au fil des récits et des questions, afin de mieux se connaître. C'est tomber d'un métier à l'autre: de musicienne à physicienne. C'est laisser tomber son conjoint. C'est tomber, peut-être, en dansant. Quitte à se faire mal, parce que la vie fait mal, parfois.
Astucieuse, l'auteure brouille d'emblée les pistes en ce qui concerne la réalité de son récit. Que penser d'un incipit comme "Je suis la fille de Marie D., l'héroïne de ce roman."? Il porte en lui-même une contradiction. Un roman peut être intégralement inventé; mais il est permis de supposer qu'en réalité, France David a bel et bien une mère qui se prénomme Marie et lui a laissé un paquet de feuillets destinés à la rédaction d'un roman. Ce paquet est présenté comme authentique. Mais dans un roman, que croire, depuis ces romans du dix-huitième siècle qui, par tous les moyens, cherchaient à arborer les apparences du vrai, du vécu? L'auteure exploite ce filon à son tour.
L'écriture a, quant à elle, de quoi dérouter. On se demande rapidement qui parle, et qui est qui. On entend certes parler la mère, Marie; celle-ci donne l'impression de s'adresser tantôt à sa fille, tantôt à une psy, à moins qu'elle ne prenne l'une pour l'autre. L'alternance de répliques rend parfois malaisé le fait de savoir qui parle; le lecteur est donc invité à se plonger dans un roman à plusieurs voix parfois embrouillées. Chacun pourra ainsi se faire une image de ce qui se passe dans ce roman, divergente de ce qu'en pensera son voisin, sa voisine: "Qu'est-ce que la réalité? Elle diffère tant d'un individu à l'autre, quand les fictions influencent le vécu tandis que l'on croit que les oeuvres pourraient naître d'une simple imitation de la vie."
Ici, c'est d'une imitation de la vie intérieure qu'il s'agit, lente, intrigante, riche et ordinaire - riche de son ordinaire sans doute, en fait. Et c'est aussi l'imitation d'une chute en soi-même, ce qui est une façon de refaire sa vie en la revoyant, en mettant des mots dessus. Joints en annexe, les feuillets, vrais ou inventés, font figure de guides du lecteur. Qui, en voyant danser les phrases du corps du roman, y trouvera peut-être la confirmation de ses impressions de lecture. Ou pas.
France David, Marie refait sa vie, Seyssel, Comp'Act, 2000.
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