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5 mars 2014 3 05 /03 /mars /2014 20:59

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Lu par Corto, Nicolas.

Le blog de l'auteur.

 

Périlleux exercice que celui auquel s'est livré Didier Goux: publier un recueil contenant ses propres billets de blog. Mais Didier Goux, homme rompu aux disciplines les plus diverses de l'écrit (cet "écrivain en bâtiment" est connu comme journaliste, mais aussi comme auteur des "Brigades mondaines"), a su, avec "En territoire ennemi", éviter les écueils du genre. Et alors que le blogage est souvent une activité de l'instant, sujette à l'obsolescence, son livre revêt le caractère d'un candidat impénitent à l'intemporalité.

 

Cela tient au choix des textes, d'abord. Mis dans un ordre bien choisi, ils s'inscrivent dans quelques lignes de force précises: la société d'aujourd'hui et d'hier, les lectures et les arts, et l'avenir mortel d'un homme qui, vieillissant, apprécie les joies simples de la vie en attendant le grand départ. Le classement en trois parties finit de structurer cette lecture.

 

L'auteur brocarde les travers de l'époque actuelle, quitte à jouer parfois d'une mauvaise foi piquante qui prête à sourire ou invite à croiser le fer. Quelques mots suffisent à mettre en évidence les contradictions d'un modernisme érigé en dogme, ou certaines décisions du gouvernement français actuel - à l'instar de la ponction de 75% des revenus d'une personne, à partir d'un certain seuil ("La cambriole"). La télévision et les experts surfaits qui y sont invités en prennent aussi pour leur grade. Le caractère relativement bref du billet de blog incite à une écriture nerveuse et sans embarras; d'une plume à la fois vive et soigneuse, l'auteur réussit l'exercice avec brio, et parvient à faire rire le lecteur à plus d'une reprise. Rire jaune, rire d'ironie, rire franc, jubilatoire parfois, peu importe! Nostalgique, la lecture des temps actuels est traversée par les idées de Renaud Camus et de Philippe Muray, régulièrement évoqués.

 

Les billets consacrés à la littérature et aux arts sont généralement plus développés. Ils révèlent un lecteur au regard aigu, qui s'intéresse aux gros morceaux de la littérature d'aujourd'hui (Cormac McCarthy), mais aussi d'hier et d'avant-hier. Sa lecture des "Récits de la Kolyma" de Varlam Chalamov et d'autres écrits produits dans le même contexte ne donne qu'une seule envie au lecteur: celle de s'y plonger à son tour. Quant aux pages consacrées à Balzac, elles mêlent enthousiasmes et réserves pour éclairer le génie du romancier d'un jour fort personnel. Cela n'interdit pas l'autodérision, par exemple lorsque l'auteur, pointant un travers d'Emile Zola, suggère: "Ma parole, on se croirait dans un Brigade mondaine!". Et de manière plus individuelle, j'ai découvert grâce à cette lecture que Charles Bertin, c'est autre chose qu'une fort honorable marque distributeur de champagne...

 

Et puis il y a une troisième partie, plus grave, philosophique même. L'auteur s'y interroge toujours sur le monde dans lequel il vit. Il trouve dans l'observation des oiseaux qui colonisent son jardin quelques métaphores de la vie des humains, décrit le bonheur de lire un bon livre au bout de la nuit, lorsque tout le monde dort encore. Cela, sans oublier la vie des chiens de la maisonnée, tous baptisés selon un élément de "A la recherche du temps perdu" de Marcel Proust. "L'Absence" est une belle réflexion sur le mariage, présenté comme une "drogue dure". La mort elle-même s'invite - mort d'autrui, pressentiment de la sienne propre.

 

Enfin, l'auteur conclut son ouvrage par quelques chapitres adressés à la jeunesse ("A vous, les mômes") - un envoi, une brève ouverture vers l'avenir, et surtout une manière de lui demander pardon pour ce qu'a fait sa génération. Le lecteur se souvient, au terme de l'ouvrage, du côté parfois décliniste des propos de l'auteur, et souscrira peut-être aux derniers mots de ce recueil, empruntés à un certain François Villon: "et priez Dieu que tous nous veuille absoudre". Ainsi s'achève un recueil d'essais sur le temps qui passe et qui, à l'instar de la rue Rochechouart dans "Marie la Française" d'Edith Piaf, ne reviendra pas.

 

Didier Goux, En territoire ennemi, Paris, Belles-Lettres, 2014.

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commentaires

Y
Je ne suis ps sûr d'avoir envie de lire D. Goux, les propos qu'il tient sur son blog et dans des commentaires sur d'autres sont orduriers et insultants. Si en plus il cite du renaud Camus, je crois que c'est trop pour moi...
D
... &quot;Didier Goux exagère toujours&quot;, comme qui dirait - ce qui invite à prendre ce qu'il écrit avec un soupçon de recul... plus sérieusement, ce recueil de billets de blog dévoile une vision du monde qui, si elle n'est pas celle de tout le monde (&quot;tot homines, quot sententiae&quot;), me paraît cohérente et donc digne d'intérêt - et joliment écrite, ce qui ne gâche rien. <br /> <br /> Cela dit, je suis en train de lire &quot;Après la démocratie&quot; d'Emmanuel Todd, et hop, là, ça change!!! <br /> <br /> Enfin, question idées, je ne crois pas que ce soit &quot;trop&quot;, à un moment donné: une prise de recul permet de voir que chacun, de son point de vue et en fonction de son expérience, détient une parcelle de vérité.

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