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28 janvier 2014 2 28 /01 /janvier /2014 20:53

hebergeur imageFaustus, ou l'omniprésence de Goethe... et de quelques autres génies artistiques d'hier et d'aujourd'hui, honnis ou adulés par l'auteur, qui manoeuvre comme un beau diable pour offrir, comme chaque année, un nouveau roman à ses lecteurs! "Une soirée avec Faustus" relate, en perpétuelle résonance avec le passé et le présent musicaux et littéraires, l'histoire d'une complicité quasi amoureuse, ou d'un amour quasi complice - un pied devant l'autre, sur la corde raide! Jacques Guyonnet, l'auteur, serait-il funambule ou équilibriste dans l'âme? Certes!

 

Pour ce qui est de la forme, force est de constater, au fil des pages, que l'auteur renoue avec le côté polymorphe, voire labyrinthique du "Douzième Evangile". On repense aussi à ce précédent opus en parcourant les nombreuses notes de bas de page, souvent signées de l'une ou l'autre des nombreuses variations de "NdE" - à charge, pour le lecteur, de les traduire, mais elles sont en principe transparentes. Dans ce nouvel opus, cependant, l'auteur sait jusqu'où ne pas aller trop loin: les notes sont succinctes en général, et les chapitres sont brefs. Ce qui rend la lecture rapide et aisée, malgré un propos copieux ponctué par les fameuses "punch lines" qui clôturent les chapitres en un récapitulatif abrupt.

 

L'auteur campe donc une complicité amoureuse entre Faustus et Caroline. Est-ce l'auteur, est-ce une relation réellement vécue? Il est permis d'y croire, tant les indices autobiographiques et géographiques sont nombreux: aviation, musique, restaurants genevois... Le lecteur est cependant en droit d'admettre qu'il y a là une part de fantasme: servitude consentie, motif des bottes et des jupes (tiens, cela rappelle "Une semaine bien remplie"),... Reste que le lien qui se constitue entre Caroline et Faustus captive le lecteur. Plongé dans un tourbillon sentimental qui a tout d'une zone grise, celui-ci s'interroge sans arrêt: sont-ils amoureux, complices, amis proches? Le jeu d'équilibres littéraires est impeccable et tient le lecteur en haleine.

 

Mais un roman de Jacques Guyonnet ne serait pas lui-même s'il n'avait pas le débit généreux d'un fleuve. En contrepoint, l'auteur intègre donc de larges réflexions sur la musique, et en particulier sur la création de musique électronique: affres du génie au travail, éclats de bonheur déclinés en sept stances enfiévrées et qui fascinent, allant jusqu'à convoquer Mozart et Chopin, pour ne citer qu'eux. Prolongeant "Une semaine bien remplie", l'auteur partage d'ailleurs ici de nombreux souvenirs personnels. Enfin, la philosophie a sa place, qu'elle nourrisse l'intrigue ou soit brocardée, avec les figures de Nietzsche et Schopenhauer, pour ne citer qu'elles.

 

En continuateur de Frédéric Dard, l'auteur aime jouer avec les mots, et le fait avec une grande finesse. Le lecteur détectera donc avec délectation les jeux de mots qu'il glisse dans son texte, comme sans le faire exprès. Cela crée une petite musique ludique, parallèle à un récit qui ne l'est pas moins. C'est dans un esprit non moins ludique, sans doute, qu'il propose une longue lettre de candidature à l'Académie française - comme Immortel "in partibus". Dans une hyperbole étonnante, enfin, Annemasse devient sous sa plume "la capitale du vice". Preuves à l'appui...

 

Tout cela est du reste annoncé de manière méthodique dans un premier chapitre qui a tout d'un programme, tant il énumère les thèmes qui sont chers à l'auteur. A ceux déjà exposés ci-dessus, on peut ajouter Dieu - un pote avec lequel l'auteur entretient des relations particulières, donc intéressantes (il est devenu son père, entre autres, un jour...), la fin du monde selon les Mayas (donc le Mexique), la musique, le langage, le sexe, les femmes qui sont mieux que les hommes. Dès le début, enfin, l'auteur convoque Jacques Chessex, auquel il rend un hommage récurrent.

 

Foisonnant, alors? Je l'ai relevé, je le redis. L'auteur, quant à lui, l'assume: "C'est un torrent, tu sais imposer une forme stable à un torrent, toi?". Il est vrai que par moments, on a l'impression de plonger dans les ambiances fluviales d'un Anton Bruckner. Il persiste et signe: "Je suis un Eve Reste, j'ai une belle vue à t'offrir sur les choses de la vie mais faut me gravir." Faisant suite à "Une semaine bien remplie", "Une soirée avec Faustus" fait éclater, à la manière d'un big bang, les frontières nettes entre l'autobiographie et le roman. Cela, sans pour autant se départir d'un équilibre quasi cosmique, pour ne pas dire... d'une musique des sphères.

 

Jacques Guyonnet, Une soirée avec Faustus, Genève, La Margelle Sexe, 2013. En annexe, le texte du "Journal d'un homme de chambre" et une lettre de René Berger.

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