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27 janvier 2014 1 27 /01 /janvier /2014 22:21

 Lu par Olivier Meyer.

 

« Hors de portée des flots je n’ai jamais bâti mes châteaux. » Incipit dont le sens et la force apparaîtront tout au long du dernier roman d’Olivier MathieuChâteaux de sable. C’est que le narrateur, Robert Pioche, double littéraire de l’auteur, est un personnage qui n’hésite jamais à prendre un risque pour aller un peu plus loin – tout en préservant jalousement sa liberté face aux conditionnements du monde actuel.  

 

Châteaux de sable s’inscrit dans le cycle des aventures de Robert Pioche, travail de longue haleine, œuvre d’une vie, où Olivier Mathieu puise dans sa propre existence sa matière romanesque. Ce dernier opus fait figure de diptyque avec Jouissive à Venise, paru il y a quelques mois. Plus resserré que ce dernier autour d’une intrigue bien menée, il se lit avec aisance et délices.  

 

Il fait aussi figure de retour au réel : si Jouissive à Venise relatait les débuts de rêve d’un amour renversant qui s’affirme à Venise, avec tout le côté « petit nuage » que cela peut impliquerChâteaux de sable évoque le commencement de la cohabitation entre deux personnages qui mettent en commun leurs sentiments, mais aussi leurs problèmes. Le lecteur des romans d’Olivier Mathieu connaît certes le personnage de Robert Pioche, ses forces et ses travers ; l’auteur présente aussi Joussive, son amie, telle qu’il la voit, en ayant le souci de retracer son histoireQuitte à ce que le lecteur comprenne qu’elle est, à certains égards, une femme à problèmes. 

 

Le château de sable construit à proximité des flots signifie le goût de la prise de risque. Risque d’aimer, audace… que l’on connaît depuis Jouissive à Venise, au moins. Mais ici, la prise de risque est aussi concrétisée par le changement de vie, qui revêt l’allure d’un exil de l’auteur dans « son » pays, la France. Exil ? Ce thème est régulièrement rappelé par des citations tirées de Nord de Louis-Ferdinand Céline. Difficile de mieux paver le chemin du lecteur !  

 

L’offrande d’un bijou suggère une image classique, que l’auteur affectionne même s’il ne l’exprime pas nommément dans Châteaux de sable : « Gibelin au Guelfe, Guelfe au Gibelin », toujours obligé de trouver sa place entre deux chaises. Et dans la région où Robert Pioche a élu domicile auprès de Jouissive, il aura fort à faire : sa réputation le précède, et quelques vérités pénibles doivent être dites. C’est que l’auteur, qui aime être « le dernier » (« le dernier romantique », a écrit son biographe Jean-Pierre Fleury, mais aussi quelqu’un du « dernier carré », pour ne citer que deux exemples pertinents pour un écrivain qui écrit chacun de ses livres comme si c’était… le dernier), tient aussi à être le dernier amant de Jouissive.  

 

L’auteur joue en virtuose de l’exercice des répétitions et itérations. Le lecteur constate par exemple que Jouissive a l’invariable tendance de dire « euh… » lorsqu’elle s’apprête à donner à Robert Pioche une réponse désagréable à entendre. Un « euh… » qui fonctionne comme un signal ! Et lorsque l’auteur le place dans la bouche de proches de Jouissive, même si les circonstances ne sont pas les mêmes, c’est un air de famille qui est dessiné. Certaines répliques sont récurrentes aussi, dès lors qu’il s’agit, au détour de quelque dialogue, de faire émerger une vérité.  

 

Comme dans Jouissive à Venise, l’auteur règle quelques comptes, quitte à ce que cela semble relever de la posture commode plus que du débat d’idées, par exemple certains avis péremptoires à l’encontre de l’électorat du Front national, complaisamment montré comme le plus étriqué qui soit. Cela dit, les critiques acerbes à l’encontre d’un certain Marc-Edouard Nabe sont bien fondues dans le récit, dans la mesure où elles s’intègrent à la narration d’une tranche de vie de Jouissive, et s’avèrent donc moins brutales, moins gratuites que dans Jouissive à Venise. Ces avis sont contrebalancés par la citation dithyrambique du personnage d’Anodin, surnom d’un lecteur inconditionnel de l’auteur : s’il y a ici une part d’autocongratulation, celle-ci offre un éclairage positif agréable au récit et, plus largement, à toute l’œuvre de l’auteur.  

 

On peut cependant regretter un dernier chapitre au ton d’exhortation, mal intégré à la narration d’une tranche de vie qui court de la fin de l’été à l’hiver 2013, relatée de manière bien suivie par ailleurs.  

 

Châteaux de sable a tout du roman d’apprentissage de la vie à deux, qui relate des rituels empreints de fantasmes incestueux ou empruntant à l’imaginaire né de Lolita de Vladimir NabokovParadoxalement, cet apprentissage suggère qu’il faut s’aimer beaucoup pour supporter certains accrocs, certaines frictions. Sur certaines pages de ce roman, chaque réplique fait figure de prise de risque. C’est que jamais Robert Pioche, le « chamboule-tout », ne construit les châteaux de sable hors de portée des flots – mais ça, depuis le début du roman, on le sait déjà…  

 

Olivier MathieuChâteaux de sable, Paris, Editions des Aprems, 2014.  

 

Il est possible de se procurer quelques romans d'Olivier Mathieu, dans la limite des stocks disponibles (tirages limités, réservés aux bibliophiles), directement chez l’auteur, en lui en faisant la demande par courrier électronique à robertpioche@hotmail.com 

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J'avoue que je n'ai jamais lu un seul de ses romans, personnage trop controversé et loufoque à mon goût, mais je sais que j'ai probablement tort de le mettre de côté de cette manière, alors qui sait peut-être un jour...

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