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4 janvier 2014 6 04 /01 /janvier /2014 20:28

hebergeur imageLu par Cynthia, Le Bibliophare, Lectures Magazine.

Mon exemplaire en photo! Exclusif!

 

Le best-seller: une alchimie qui fait rêver auteurs, éditeurs et lecteurs! Journaliste chez Causeur et bibliophile averti, le juriste Frédéric Rouvillois retrace, dans "Une histoire des best-sellers", l'histoire des grands succès livresques et s'efforce d'en déceler la recette. Cela, avec un aveu d'impuissance en guise de conclusion: "On ne sait qu'une chose, c'est qu'on ne sait pas tout...". Ceux qui considèrent que le marketing est une science toute-puissante apprécieront!

 

Son étude adopte trois points de vue, annoncés dès l'avant-propos: le livre, l'auteur et le lecteur. Ces points de vue structurent cet essai. L'avant-propos met d'emblée les choses au point: "Un best-seller peut être un livre admirable, ou exécrable, ou simplement médiocre: tout est possible. Au regard de la qualité, le succès ne signifie rien." L'auteur renvoie ainsi dos à dos les tenants d'une doxa qui veut qu'un best-seller soit forcément nul du point de vue littéraire, ou qu'un échec commercial soit forcément une preuve de génie (évoquant le cas de Stendhal et de ses "happy few"). Ce serait trop facile, admettons-le...

 

Ce qu'il y a derrière les chiffres

Consacrée à l'objet livre, la première partie n'est pas la plus brillante a priori, gouvernée qu'elle est par les chiffres, au risque d'assommer. Elle a cependant l'immense mérite de dévoiler ce qui se cache derrière les chiffres de vente (qui ne reflètent pas forcément le nombre de lecteurs effectifs!), au fil des années et des circonstances.

 

Le terme de best-seller est devenu usuel au dix-neuvième siècle (l'auteur cite ici, à titre d'exemple paradoxal, la "Vie de Jésus" d'Ernest Renan), mais il n'a pas fallu attendre cette époque pour que des livres entrent dans cette catégorie. L'auteur rappelle que les critères de calcul évoluent au fil du temps et de l'extension du lectorat, entre autres au gré de l'alphabétisation de la population mondiale.

 

Reste que cette première partie met en place le mode de fonctionnement principal de ce livre: la description analytique de cas particuliers du passé et du présent, susceptibles de trouver un écho chez le lecteur.

 

L'auteur à succès, cet inconnu

La partie consacrée à l'auteur étudie la situation de l'auteur, décrit le phénomène de la négritude en allant jusqu'à démonter le système de production de romans d'Alexandre Dumas, semblable à une industrie. Dans un rayon plus actuel, il est aussi question de l'évolution plus ou moins réussie d'auteurs à succès tels que Danielle Steel, Frédéric Dard (vous souvenez-vous du défi? Il en était question dans la presse suisse...), Jules Verne ou Henri Vernes - une évolution qui peut comprendre une chute, due à l'évolution des goûts du lectorat.

 

Elle met aussi en évidence les différentes formes de la prescription, évoquant les figures de Bernard Pivot (tiens, j'en parlais ici...) et d'Oprah Winfrey, sans oublier les prix littéraires, ni les effets d'une adaptation cinématographique sur un roman - et vice versa. Les blogs sont (trop) brièvement évoqués; le lecteur attentif relèvera cependant qu'Anne-Sophie Demonchy, de La Lettrine, est dûment mentionnée. Chic, elle est des nôtres! On regrettera cependant qu'il n'ait pas été question de "L'Elégance du hérisson" de Muriel Barbery, un succès pour ainsi dire viral, auquel le phénomène des blogs a peut-être participé. 

 

Le lecteur: "J'achète!"

Quant au lecteur, son comportement d'acheteur est également mis à nu, dans ce qu'il peut avoir de plus intéressant et, surtout, de plus grégaire. L'auteur ne se prive pas, par exemple, de mentionner ces millions de lecteurs qui se sont rués sur l'opuscule "Indignez-vous" de Stéphane Hessel - ni de critiquer ledit opuscule, vendu pas cher. Comme par hasard.

 

Il présente aussi la typologie des personnages qui, récurrents, font le succès des livres produits par Harlequin. Il évoque, plus largement, les aspects d'une "littérature de confort", à laquelle il rattache aussi Paulo Coelho. Elle est sans cesse identique derrière des apparences changeantes, et a pour vocation de rassurer plutôt que de déranger.

 

Cela, sans oublier un effet "Moutons de Panurge" qui fait que tout le monde va se précipiter sur un livre, fût-il censuré, fût-il illisible, simplement pour l'avoir chez soi. L'auteur cite ici "Une brève histoire du temps" de Stephen Hawking - et revient, naturellement, à l'ouvrage d'Ernest Renan sur la "Vie de Jésus", succès commercial en dépit de son écriture difficile, pour ne pas dire érudite. Cela, sans oublier les livres d'Amélie Nothomb (ici!), qu'il faut avoir, ne serait-ce que pour briller en société.

 

Quelques regrets

Outre le phénomène Muriel Barbery, le lecteur regrettera l'absence de certains phénomènes éditoriaux d'hier et d'aujourd'hui, tels "L'Astrée" d'Honoré d'Urfé ou "Artamène", qui sont les témoins réussis d'un mode de lecture ancien, très différent de celui d'aujourd'hui. S'il est question du système "collectif" d'auteurs tels que Dan Brown (et de son "Symbole perdu", actualité oblige) ou Paul-Loup Sulitzer, dont le succès peut être orchestré par une communication ad hoc savamment analysée, le lecteur ne trouvera pas grand-chose sur Bernard Werber, phénomène éditorial français.

 

Au fil des nombreux exemples mentionnés, chiffres à l'appui le plus souvent, il notera cependant que l'histoire des best-sellers ne se limite pas à la littérature (il y est question des ouvrages religieux, parfois distribués gratuitement, par exemple ceux des sectes et religions ("La Bible", "Le Livre de Mormon", ouvrages de Lafayette Ron Hubbard sur la "Dianétique"), mais aussi de la diffusion de "Mein Kampf" d'Adolf Hitler) et aura, mine de rien, un aperçu panoramique des formes que peut prendre le succès d'un livre.

 

Cela, sans jamais oublier qu'un tel succès, forcément exceptionnel, n'est jamais programmé à l'avance: du début à la fin, d'un lieu à l'autre, dans le monde éditorial, une part de doute, de hasard, de chance existe toujours...

 

Frédéric Rouvillois, Une histoire des best-sellers, Paris, Flammarion, 2011.

 

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commentaires

C
Un sujet qui m'intéresse, j'avais même fait mon mémoire dessus :-)
D
Ce fut avec plaisir! :-)
C
Merci Daniel, c'est super gentil :-)
D
Tu me l'avais envoyé, ce mémoire! Je t'en remercie encore infiniment. :-)
A
Difficile de mettre le monde en équation.....
D
En effet! Et le monde du livre est loin d'être une science exacte...

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