Lu par Evy, Fiona, Johanne, Marinette, Melwasul, Ninie, Saefiel, Tribulations.
Le blog de l'auteur.
Avouez-le, amies lectrices, amis lecteurs: il y a un peu trop longtemps que je ne vous ai pas parlé de chick lit. Il est bien révolu, le temps des fabuleuses Harlequinades et du regretté défi de l'ami Calepin!
Alors quand j'ai vu qu'une auteure lausannoise, Cléo Buchheim, a publié son deuxième roman, "Paillettes et gros dossiers", chez Harlequin, avec une couverture bien tape-à-l'oeil, je me suis dit qu'il était temps que je m'y remette. Et les fêtes de fin d'année sont une période propice à des lectures plus légères. Alors, pourquoi pas?
Un univers et des personnages familiers
L'univers dépeint par l'auteur correspond en tous points aux canons du genre. Le lecteur suit Jacqueline Meridier, une jeune femme qui se cherche: elle enchaîne les stages éphémères et hétéroclites. Là, elle effectue, faute de mieux, un stage dans une agence de presse spécialisée dans le monde artistique. Et les scènes de travail sentent le vécu: horaires impossibles, ordres abstrus donnés par une hiérarchie débordée, etc.
Autour d'elle, évolue un univers familier. Il y a la bande de copines bouffées par leur travail, et qui cherchent aussi leur place dans la société. L'auteure y intègre Stanislas, un garçon qui drague, et que Jacqueline adore mais n'aime pas: c'est le type du copain d'enfance avec lequel il ne se passera jamais rien de sexuel. La présence d'un patron tyrannique, Tartt, rappelle ici, sans en avoir tout l'éclat hégémonique, une certaine Miranda Priestly, vue dans "Le Diable s'habille en Prada" de Lauren Weisberger.
Enfin, pas de chick lit sans bellâtre! Ici, il s'appelle Arnaud et fait figure de requin dont la virilité, fort urbaine au demeurant, cache un coeur tendre. Comme il se doit dans un livre de chez Harlequin, il a la voix rauque et un physique athlétique plutôt avenant. Ah, et détail qui tue: il porte des chemises monogrammées. Classe, non? Enfin bon, je dis ça, je dis rien, c'est juste pour situer le bonhomme, hein...
Priorité à l'humour de situation
L'humour est essentiellement de situation: comme de bien entendu, Jacqueline Meridier vit toutes sortes de quiproquos à caractère plus ou moins sentimental qui vont faire d'elle la vedette de la presse à potins (d'où les paillettes du titre, les gros dossiers étant ceux du travail, toujours à boucler pour hier, on l'aura compris).
L'épisode du speed dating à l'italienne se présente ici comme une figure imposée, menée avec rythme et esprit. C'est l'occasion rêvée de donner en pâture au lectorat, en quelques pages rapides, un panel de sept mecs caricaturaux - le plus épousable d'entre eux étant, comme il se doit, un homosexuel mal assumé. Le lecteur goûtera aussi ce moment où les filles, lâchées dans un bar où des serveurs hommes travaillent à demi nus, se comportent comme des hommes face aux serveuses dénudées d'un bar à champagne un peu louche...
Le nom de la narratrice offre l'occasion de quelques jeux de mots: une seule lettre manque au nom de famille, et tout est, euh, dépeuplé, pour ne pas dire pis! Enfin, si l'art comique du jeu de mots est limité dans "Paillettes et gros dossiers", l'auteur fait quand même preuve d'un sens consommé de la formule et de l'autodérision.
Un roman hors sol?
On peut s'interroger sur l'ancrage de ce roman. Il est double, du moins en théorie. Le premier est celui de son époque, et là, on est vraiment dans le cas d'une littérature pour citadines branchées, à l'aise sur Google et Facebook, buvant des cocktails dans des bars à la mode et familières des grandes marques internationales - ce qui donne l'occasion de les citer, dans un exercice de namedropping attendu, mais qui interroge: comment une stagiaire au revenu modeste peut-elle avoir tant d'accessoires griffés?
Le second est géographique: l'action est située dans le pays de Vaud. Cela dit, la narratrice paraît craindre d'en dire trop: côté suissitude, elle se contentera de payer en francs suisses, de lâcher quelques helvétismes convenus et explicités (septante, huitante, nonante) et de se dire que les Bernois sont lents, surtout s'ils conduisent des taxis. Dès lors, le contexte paraît plutôt international et hors sol, à l'instar des noms des personnages, peu typés. L'auteure évoque par ailleurs une presse people bien peu helvétique et cite un restaurant suisse réputé, "Le Chat botté"; mais celui-ci est à Genève... tout cela finit de brouiller les pistes en matière de géographie.
Et question langue? Le premier chapitre est un peu lent, et il faut noter que l'auteur a une tendance un peu lourde à expliciter certaines choses a priori évidentes, à l'aide de parenthèses qui font perdre en nervosité. Mais au fil des pages, au fur et à mesure que les personnages se frottent les uns aux autres (euh, pas seulement au sens physique du terme, vous m'avez bien compris, hein!), le lecteur finit par goûter avec plaisir une plume alerte et qui sait (s')amuser. Et qui, me semble-t-il, est tenue par la première Suissesse à avoir publié un roman dans la collection Red Dress Ink.
Cléo Buchheim, Paillettes et gros dossiers, Paris, Harlequin/Red Dress Ink, 2013.