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17 décembre 2013 2 17 /12 /décembre /2013 21:09

hebergeur imageLu par Chocolatcannelle, Chloé Saffy, Clarissa, Sariah.

Lu pour les défis Rentrée littéraire et Premier roman.

 

"Mine de rien, ça doit bien faire quarante-cinq minutes que je l'encule.": l'incipit de "Pornstar", premier roman d'Anthony Sitruk, annonce clairement la couleur. Et force est de constater que le roman ne démentira pas l'impression née de cette simple phrase: un langage très, très familier pour un propos qui peut choquer, créer le malaise ou surprendre un lecteur peu coutumier des écritures bien explicites, et cash comme il faut.

 

Montrer jusque dans l'outrance

Une écriture cash, aux confins de la grossièreté parfois ("J'aimerais rouler une pelle à vos lèvres de chatte", dit l'un des personnages... pour le moins tendancieux et explosif en contexte!), parfaitement en phase avec le propos: le narrateur est un homme, Alan, vieille gloire du cinéma porno, qui se débat dans ce domaine faute de mieux. C'est avec un réalisme éclatant que l'auteur recrée la voix de son personnage: on croirait l'entendre parler, et c'est une musique particulière qui naît ici au fil des pages.

 

L'auteur pratique l'art de l'outrance et de l'hyperbole lorsqu'il décrit. Il trace ainsi, jusqu'à la caricature, un rapprochement avec un certain cinéma pornographique, qui montre des éléments de dimensions trop énormes pour être naturelles. L'exercice de l'image qui fait tilt a cependant ses limites: la phrase "J'enfonce ma clé dans la serrure", par exemple, rappelle un peu trop une chanson parodique des Inconnus pour être vraiment crédible - d'autant que l'image est, dans l'absolu, pour le moins convenue. Mais le plus souvent, l'usage de l'image sert ici à montrer et y parvient avec succès: ce n'est pas le simple produit d'un auteur qui se regarde écrire. 

 

Sous le prétexte de relater l'histoire d'un acteur porno sur le retour, l'auteur donne un aperçu d'un milieu méconnu et décrié. C'est peu glorieux: on y voit apparaître des producteurs mauvais payeurs, des acteurs jaloux et intéressés qui se prétendent amis, et, de loin en loin, la relation problématique d'Alan avec sa conjointe. Cela, sans oublier le hasard de sentimentalités naissantes, à travers le personnage d'AliX par exemple.

 

Un prétexte au voyeurisme

L'observation du milieu et la description de ce que j'appellerai le coeur du métier font figure de prétextes. Pour crédible qu'elle soit indéniablement (la terminologie est précise et réaliste, et dénote un professionnalisme certain...), l'observation du milieu reste réduite aux besoins du roman. Quant à la trame narrative, elle est aussi ténue que celle d'un film porno, fût-il scénarisé. L'intérêt essentiel de la démarche artistique de l'auteur est ailleurs: elle invite le lecteur à jouer, nolens volens, le rôle du voyeur. Et là, l'auteur ouvre les rideaux en grand.

 

Cela, quitte devenir didactique: l'auteur pratique le name-dropping, mais considère qu'il est nécessaire de présenter les personnes et les films évoqués (à l'exception notable de Brigitte Lahaie) sous forme de notes de bas de page. Symptôme d'une insuffisance? Certes: l'idée du name-dropping est plutôt que la citation d'un nom connu fasse naître, à elle seule et sans autre explication, un imaginaire dans la tête du lectorat le plus nombreux. Ici, seuls les aficionados de cinéma porno comprendront, sans avoir à se référer aux notes, tout le sel des citations.

 

Pornographique... ou pas

Roman pornographique, alors? Oui, dans la mesure où il montre tout, et plutôt avec des lunettes grossissantes: les chairs se frottent, face caméra, et les fluides s'échangent copieusement. Et non, parce que les choses ainsi montrées ne titillent pas le lecteur. Elles offrent un regard finalement triste sur la sexualité, réduite à une activité professionnelle des plus ordinaires, pratiquée aussi mécaniquement qu'un travail d'ouvrier à la chaîne.

 

Le lecteur goûtera cependant les éléments sentimentaux comme autant de rayons de soleil dans une prose guère optimiste, et s'en réjouira. Et fort de ses faiblesses ou faible de ses forces (comme l'on voudra), ce roman à l'écriture accrocheuse devrait intéresser, voire séduire les amateurs de lectures atypiques.

 

Anthony Sitruk, Pornstar, Paris, La Musardine. 2013. Photo de couverture: Chris Ray Krider.

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commentaires

A
Pas pour moi non plus !
D
Je passe à d'autres choses! En attendant le passage de témoin du défi du premier roman, tout prochainement.
L
bouh, pas pour moi ! autant l'érotique m'amuse (et me titille parfois), autant la grossièreté et le langage cru me répugnent... En plus la couverture est affreuse et elle a les seins qui tombent !!! :)
D
Il est vrai que la photo de couverture n'est pas facile à assumer si l'on se balade avec ce livre... pour le reste, je crois que l'auteur a trouvé le ton juste pour le sujet qui est le sien.

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