Défi Nouvelles.
Treize nouvelles - un chiffre qui annonce la couleur, puisqu'il fait sourciller les superstitieux. L'auteur de "Très bonnes nouvelles du Bénin", Jacques Dalodé, l'a fait exprès et l'avoue crânement. De la superstition, en effet, il y en a plein dans ce premier recueil de nouvelles, distingué par le Prix Paul Bourdarie de l'Académie des sciences d'Outre-mer. Cela, jusqu'au préambule de la dernière nouvelle de ce livre.
La superstition est en effet l'un des moteurs d'action des personnages que l'auteur met en scène. Le résultat est que leur action est souvent inattendue pour un lecteur qui a un esprit rationnel et cartésien. Celui-ci goûtera dès lors, non sans se laisser surprendre, les péripéties cocasses que l'auteur lui donne à lire.
Les treize nouvelles de ce recueil trouvent place dans un univers clairement défini. Il y a d'abord les lieux: souvent, l'action est située dans une localité imaginaire nommée Boulagon. Les grandes villes, en revanche, sont réelles, à l'instar de Cotonou ou Porto-Novo. Un certain nombre de personnages est récurrent aussi, à l'instar du douanier Bonaventure Sèbolola ou de Daa Boulanon.
Ces éléments parachèvent une impression d'unité déjà bien assurée par le ton de ces nouvelles. Il s'agit généralement de textes chargés de péripéties débordantes de fantaisie. On peut y lire une caricature des petits travers et des grandes qualités des Béninois. Celle-ci est aimable, jamais féroce. L'auteur égratigne le goût des prestiges vains ("Vente de charité à Boulagon"), la corruption... ou pas ("Une silhouette à vélo sur le chemin du baobab"), ou la pression sociale incitant à faire des enfants ("Mister John"). Quelques choses vues paraissent familières: les voitures surchargées qu'on conduit à tombeau ouvert, la débrouillardise, les administratifs en kaki.
L'Européen n'est pas épargné par le regard en coin de l'auteur: il a par exemple un rôle peu enviable dans "L'Invité-roi", illustration du choc des cultures. Les personnages de donneurs de leçon venus de France sont affublés du titre très parlant, jusque dans son caractère ronflant à l'excès, de "membres de la bavarde tribu des yaka".
Certaines nouvelles confinent au genre du conte, avec ce que cela peut véhiculer de merveilleux ou de mystérieux, et les superstitions accentuent cet effet. Le plus évident est naturellement "Le Serpent vert", qui se présente comme une légende fondatrice. On pourrait par ailleurs voir une forme de fantastique dans "Une silhouette à vélo sur le chemin du baobab", souligné par une chute impeccable qui, comme il se doit, plonge tout le monde dans le doute: le narrateur... et le lecteur.
Le coup d'oeil que l'auteur porte sur le Bénin est donc gentiment moqueur, bienveillant en définitive. L'écrivain surprend et prête à rire en campant ses histoires, dans un style simple et solide marqué par quelques mots de français béninois désignant les réalités du pays, y compris les plus concrètes. Ce côté constamment concret confère de la vivacité et du réalisme à la peinture sociale qu'il propose. "Très bonnes nouvelles du Bénin": avec un titre pareil, ce livre annonce ses ambitions... et ne déçoit pas!
Jacques Dalodé, Très bonnes nouvelles du Bénin, Paris, Gallimard/Continents noirs, 2011.
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